Calendrier des dievx de novembre : la vie, la mort et Marie Chaufour

En ces lendemains de Toussaint, les DIEVX invitent à nouveau un jeune chercheur. Marie Chaufour nous fait le plaisir d’évoquer l’Histoire de la vie & de la mort de Francis Bacon à travers l’analyse du frontispice de la version française traduite par l’académicien[1] et polygraphe du XVIIe siècle, Jean Baudoin.

Télécharger le calendrier de novembre 2017.

Marie Chaufour est docteur en histoire de l’art moderne et chercheur associé au Centre Pluridisciplinaire Textes et Cultures de l’université de Bourgogne Franche-Comté. Elle a soutenu en 2013 une thèse intitulée Le moraliste et les images :  recherches sur l’expression emblématique chez Jean Baudoin, sous la direction de Paulette Choné. Elle s’intéresse de manière plus générale à l’emblème, à l’image symbolique et à l’iconographie.

Elle fait partie du comité scientifique de l’Association des études emblémistes en France et a co-organisé le 11e congrès de la Society for Emblem Studies qui s’est tenu à Nancy en juillet 2017.

Ceux qui souhaiteraient l’entendre pourront la retrouver lors de la journée d’étude Minerve pensive. La réflexion sur la guerre au temps de Tristan L’Hermite, le 23 février 2018, à l’université Paris-Sorbonne. Son intervention portera sur «Le motif du guerrier dans la culture visuelle de l’époque Louis XIII».

[1] Ce qui nous prive définitivement de qualifier notre invitée de chercheu.r.se.

L’Art est long, & la Vie est courte ![1]

L’image choisie pour le calendrier ce mois-ci provient de l’Histoire de la Vie & de la Mort du chancelier Francis Bacon (1561-1626) traduite en 1647 par Jean Baudoin[2] – l’un des premiers académiciens français, traducteur de la fameuse Iconologia de Cesare Ripa et «restaurateur» du genre emblématique en France au XVIIe siècle. C’est lui qui introduisit la philosophie baconienne en France. Il avait en effet obtenu un privilège lui accordant «de faire imprimer par tel imprimeur qu’il voudra choisir, toutes les Œuvres du Chancelier Bacon par lui traduittes, en un ou plusieurs volume», chose plutôt rare et qui dénotait le grand intérêt de Baudoin pour la pensée de l’homme de lettres et philosophe anglais et plus encore l’intérêt du public français pour des textes scientifiques. Il était donc clairement question de «faire parler le français aux sciences[3]».

Bacon consacra une grande partie de son œuvre à la promotion et à la restauration de la science. Ses recherches le conduisirent à proposer une nouvelle philosophie fondée en partie sur la réforme des savoirs en s’appuyant sur l’observation et l’expérimentation. Il exposa son point de vue dans plusieurs ouvrages, tels the Advancement of Learnings ou le De Saptientia Veterum dans lequel il donnait une interprétation scientifique aux mythes antiques. Puis il se consacra à l’histoire naturelle et publia notamment, en 1623, l’Histoire de la Vie et de la Mort dans laquelle il étudia la longévité des mondes minéral, végétal et animal ; avant d’examiner la vie humaine. Dans ce livre, Bacon ne propose nullement des remèdes aux maladies, mais des méthodes afin de prolonger la vie offerte par Dieu, qui était pour lui la partie la plus noble de l’art médical.

En choisissant d’occuper l’espace par un autel d’une grande simplicité – orné de colonnettes ioniques, le graveur accentue la dimension religieuse de la philosophie scientifique de Bacon, tout en proposant au lecteur une méditation sur la fugacité de la vie. Deux chandelles prennent place sur la plate-forme de l’autel recouvert d’un tapis richement brodé. La première bougie vient à peine d’être allumée, tandis que la seconde est en train de s’éteindre en fumant. Ce motif est également présent dans les Emblemata politica (1618) de Jacob a Bruck Angermundt, accompagné du motto «Transeundum» afin de souligner l’instabilité des choses terrestres. Dans le langage emblématique, la chandelle qui se consume nous rappelle que notre mort commence à l’instant où nous arrivons sur terre[4].

La fragilité de la vie humaine est également mise en scène par la frise florale brodée sur le tapis d’autel. À droite des fleurs fanées et des chardons se substituent aux bouquets de tulipes, de roses ou de pivoines épanouies, fleurs éphémères par excellence. Bon nombre de natures mortes mêlent des fleurs commençant à s’étioler à d’autres parfaitement fraîches afin d’accentuer la caducité des biens terrestres devant la mort. Ici, il peut également s’agir de dévoiler la lutte contre le vieillissement ou plutôt pour «le rajeunissement des corps vieillis» ainsi que l’écrit Bacon. La brièveté de la vie est encore mise en scène par la course du soleil qui apparaît sur les deux devises entre les colonnes de l’autel, la première ayant pour corps un lever de soleil accompagné du motto «surgit que», tandis que la seconde est composée d’un soleil couchant et du mot «cadit que», métaphore de la vie qui file inexorablement. Enfin la sentence développée sur l’autel propose une méditation sur l’implacabilité de la mort et achève de transformer ce frontispice en un parfait Memento mori.

Marie Chaufour

Université Bourgogne Franche-Comté

[1] F. Bacon, Histoire de la Vie et de la Mort, Introduction, n.p.

[2] J. Baudoin, Histoire de la Vie et de la Mort, Où il est traitté de la longue et de la courte durée de toute sorte de Corps ; Des causes de leur decadence ; et des moyens d’en reparer les defauts, autant qu’il se peut. Composé par Mre François Bacon, Grand Chancelier d’Angleterre, et fidelement traduitte par J. Baudoin, Paris, Guillaume Loyson, 1647.

[3] M. Le Dœuff, « Bacon chez les grands au siècle de Louis XIII », Fattori, Marta (dir.), Francis Bacon : terminologia e fortuna nel xvii secolo, Rome, Edizioni dell’Ateneo, 1984, p. 155-178, p. 160.

[4] Paulette Choné, L’atelier des nuits, Presses universitaires de Nancy, 1992, p. 82

Bibliographie sur le Care

«Soin et Compassion – Le Care comme concept transformateur de l’éthique»

careAu carrefour de la philosophie morale et politique, de la théorie du genre et de la relation soignant-soigné, le concept de Care sera au centre de la conférence donnée par la philosophe et professeure de philosophie, Sandra Laugier, à l’Hôtel-Dieu, jeudi 19 janvier 2017, dans le cadre du séminaire :

«Soin et Compassion : Le sujet, l’institution hospitalière et la Cité».

L’éthique du care, ou éthique de la sollicitude, a été théorisée récemment en France, à partir d’une réflexion  marquée, dans les pays anglo-saxons, par les recherches féministes.
Traditionnellement, ce sont les femmes, dans la société, qui incarnent les valeurs de soin, de prévenance, d’attention éducative, de compassion.

La psychologue Carol Gilligan en analysant les discours moraux féminins, à partir de l’échelle de développement moral conçue par Lawrence Kohlberg en 1982, où les femmes se situaient dans les stades inférieurs,  conçut la notion de sollicitude, souci éthique, enraciné dans la complexité du réel et fondé sur la délibération, le soin et la conservation de la relation avec autrui.
En contestant le bien-fondé d’une identité morale dévalorisée, parce que rattachée à un seul genre, l’éthique du care ou éthique de la sollicitude s’efforce de remettre en cause le discours dominant des pouvoirs publics, longtemps apanage des hommes, et d’introduire de nouveaux enjeux éthiques dans le politique.

Dépendance et vulnérabilité peuvent être considérées comme la condition de tout individu, mais affectent en particulier certaines catégories : malades, personnes âgées, dépendantes, migrants, victimes de catastrophes…

Les éthiques pratiques du Care partent de problèmes moraux concrets, du sujet sensible, des valeurs du particulier et demandent aux politiques une attention plus forte aux professions de soins en général, mais aussi aux aidants qui portent une attention spécifique à leurs proches, y compris au travers de professions invisibles.

En cela, et dans la priorité qu’elles accordent à la vulnérabilité, elles s’opposent aux valeurs du libéralisme, qui privilégient la liberté, l’action, l’autonomie du sujet.

Dans  Le souci des autres. Éthique et politique du care, de Patricia Paperman et Sandra Laugier (2006), un article s’intitule «Les gens vulnérables n’ont rien d’exceptionnel».

Cette éthique s’est étendue à des préoccupations plus globales : les négligences envers les humains et leur environnement, les grands désastres collectifs, la gestion des déchets, le travail de maintien et de réparation de la vie tel que le définit Joan Tronto, proposant le Care   comme alternative, recentrée sur la notion de vulnérabilité, aux concepts de risque ou de catastrophe, prétendument inéluctables…

Pour accompagner cette conférence, nous vous proposons une bibliographie sur le thème du Care, établie avec l’aide de Sandra Laugier (présentation chronologique d’ouvrages pour la plupart consultables à la BIU Santé ou gratuitement en ligne).

Emmanuelle Prevost

Bibliographie

  • Lovell AM, Pandolfo S, Das V, Laugier S. Face aux désastres : une conversation à quatre voix sur le «care», la folie et les grandes détresses collectives. Montreuil-sous-Bois: Ithaque; 2013. (Philosophie, anthropologie, psychologie). À consulter sur place au pôle Médecine, cote 234264-4
  • Paperman P, Molinier P. L’éthique du care comme pensée de l’égalité. Travail, genre et sociétés. 4 nov 2011;(26):189‑93. Accessible en ligne sur Cairn.
Debut: 01/19/2017 06:30 pm
Duree: 1 heures: and 30 minutes
Hôtel-Dieu, 1, place du Parvis-de-Notre-Dame, salle Marie-Curie, au troisième étage, escalier B1
Paris, Île-de-France
75004
FR

Journées d’étude : Naissance de la clinique de Michel Foucault, 50 ans après

Naissance de la cliniqueJournées d’étude organisées par François Delaporte, Frédéric Gros, Luca Paltrinieri, avec le soutien de l’association pour le Centre Michel-Foucault, la bibliothèque interuniversitaire de Santé, le CIEPFC, ENS-Ulm, l’université Paris Descartes et l’université de Picardie – Jules-Verne.

Contact et renseignements : l.paltrinieri@gmail.com

Retrouvez l’édition originale de Naissance de la clinique dans les collections de la BIU Santé, sous la cote 230546-1.

 Programme

Vendredi 31 mai : « Nouveaux regards sur Naissance de la Clinique »

Salle des Conférences, ENS Ulm, 46, rue d’Ulm 75005 Paris

Ouverture de la journée à 11h
Présidence : Luca Paltrinieri (ENS Ulm)

11.15 : Julie Cheminaud (Philosophe, Université de Paris Sorbonne)
Une esthétique de la clinique

11.45 : Philippe Sabot (Professeur de philosophie, Université Lille 3)
La lumière du Raymond Roussel

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