Van Horne, Sagemolen. Comment ça va les écorchés? Ça va bien!

Rappelons qu’en juin 2016 à la BIU Santé, quatre grands volumes de myologie ont été attribués à l’anatomiste Johannes Van Horne (1621-1670) et au peintre Marten Sagemolen (c.1620-1669). Avec les dessins de Gérard de Lairesse pour l’anatomie de Bidloo (qui sont également à la BIU Santé), ils constituent à notre connaissance le plus vaste ensemble de dessins d’anatomie du XVIIe siècle hollandais, et l’un des plus grands fonds de dessins d’anatomie humaine pour l’époque moderne.

Après un travail de documentation qui a permis de confirmer l’identité des dessins et de retracer une partie de l’histoire de leur provenance, il fallait améliorer leur état physique et les conditions de leur conservation.

Les atlas ont été jugés suffisamment intéressants pour que soit mise en place une coopération entre la Bibliothèque nationale de France, le Centre de recherche et de restauration des musées de France et la BIU Santé. La générosité de plusieurs mécènes a permis que les bonnes intentions se transforment en une opération concrète.

Grâce à Isabelle Bonnard (experte en restauration, BnF) et Natalie Coural (responsable de la filière Arts graphiques – Photographies, C2RMF) en particulier, les opérations ont été organisées en plusieurs temps en y associant deux restauratrices indépendantes spécialisées en arts graphiques, Nadège Dauga et Nathalie Silvie, missionnées pour étudier la matérialité du corpus (techniques graphiques et papiers) et assurer la conservation curative du corps d’ouvrage des volumes :

  • Démontage des documents hors de leur reliure, en raison des contraintes exercées par les reliures sur les dessins et de l’état de conservation médiocre de la structure des reliures (coutures altérées ou trop serrées, cuir des couvertures très fragilisé). Ces états ont décidé d’un démontage justifié de l’ensemble du corpus, de façon à permettre un travail de restauration des dessins aussi efficace que possible.
  • Constat d’état très détaillé avec établissement d’une base de données informatique, prélèvements, campagne photographique, analyse des techniques graphiques, dépoussiérage approfondi, consolidations des parties en péril, rapport d’étude final. Les restauratrices indépendantes travaillent sur cette première phase dans un atelier mis à leur disposition par le C2RMF – juste en face du château de Versailles. Ce travail, long, délicat et virtuose, atteint une étape décisive : le 2 avril, trois des quatre volumes quitteront Versailles, embellis, dans un état grandement amélioré et avec une documentation très précieuse sur chacun des dessins qui les constituent. Ils seront suivis à la mi-mai par le quatrième volume. On peut espérer d’intéressants renseignements lors de la synthèse des données à propos des techniques mises en œuvre (papiers, techniques graphiques), mais aussi peut-être de l’organisation d’un atelier de dessinateur au XVIIe siècle et sur les usages ultérieurs des dessins.
  • Les quatre volumes dûment conditionnés rejoindront le Centre technique de conservation Joël-le-Theule de la Bibliothèque nationale de France, au château de Sablé-sur-Sarthe. Ils y seront d’abord numérisés : cette opération sera en effet plus facile et moins risquée à réaliser sur des dessins en feuilles séparées que sur des albums reliés.
  • Ensuite ils seront remontés dans leurs reliures originales restaurées à cette occasion par des restaurateurs de la BnF. Le parti a été pris de les remonter dans leur reliure d’origine, à l’exception toutefois des plus grands des dessins. Ceux qui portent la cote Ms 30 étaient conditionnés dans une reliure de toile noire du début du XXe siècle, fort laide, et dont
    Nathalie Silvie présente les grandes planches mises à plat et restaurées issues du Ms 27. (A droite, Isabelle Bonnard.)

    la composition chimique était un danger pour les documents : elle ne sera pas conservée. Ceux qui se trouvaient pliés en accordéon à la fin du Ms 27, et qui ont beaucoup souffert de ce conditionnement, ont été démontés, mis à plat, et consolidés : nous avons trouvé que les plier à nouveau n’aurait plus été du respect pour un objet historique, mais un fétichisme de l’ancien. Comme les dessins du Ms 30, ils seront donc conditionnés dans des portefeuilles spécialement conçus, qui permettront à la fois leur bonne conservation, une éventuelle exposition sans démontage préalable, et une manipulation à des fins d’étude facilitée.

  • Enfin, après un peu plus de deux ans de travaux, ils viendront reprendre leur place à la BIU Santé, dans un meuble conçu pour mieux les stocker qui sera construit d’ici là.

Dans la seconde partie de 2020, nous espérons qu’un colloque pourra se tenir autour de ses ouvrages qui sont loin de nous avoir donné tout le savoir qu’ils peuvent nous apporter.

Nous remercions les  mécènes qui nous ont permis de mener à bien ce projet. Retrouvez-les sur notre page dédiée.

Jean-François Vincent

 

Un projet mené par la BIU Santé dans le cadre de ses missions nationales CollEx.

 

 

En mars, les Dievx enlèvent le haut

Avec le redoux de mars (va-t-il durer ?), les dievx de la BIV n’hésitent pas à se dévoiler davantage.

En témoigne cet éphèbe dépoitraillé (au sens propre du terme) échappé tout droit du 17e s. italien. On notera le déhanché et le couvre-chef de circonstance.

Télécharger le calendrier de mars 2018.

Cette illustration provient des Tabulae anatomicae de l’anatomiste Giulio Casserio. Avis aux Wikipédiens, ce bon docteur ne bénéficie d’aucune notice en français !

Les illustrations, souvent très expressives, sont l’œuvre de Francesco Valesio, d’après Odiardo Fialetti, peintre italien de l’école du Titien.

L’ensemble de l’ouvrage est disponible gratuitement dans notre bibliothèque numérique Medic@ (plus de 230.000 documents, 4 millions de pages numérisées).

Actes Journée d’étude « Fecit ex natura »

Le 18 novembre 2016, la BIU Santé organisait une journée d’étude sous le titre «Fecit ex natura. Le métier d’illustrateur des sciences médicales du XVIe au XXe siècle».

Nous avions invité les intervenants à exposer leurs travaux sur les différents aspects de la production d’illustrations dont la bibliothèque possède une vaste collection.

Aujourd’hui, nous avons le plaisir d’annoncer à ceux qui n’ont pas pu être présents ce jour-là ou à ceux qui souhaiteraient retrouver les différentes allocutions, que nous avons réuni et publié en ligne les actes de cette journée.

De nombreuses pistes de recherche ont été évoquées et nous ne pouvons qu’espérer qu’elles ouvrent la voie à de nombreuses et fructueuses recherches.

Chloé Perrot

 

 

Bonne lecture à tous !

Nudité, santé, beauté pour les Dievx de février

Bénédicte Prot a soutenu en juin 2017 une thèse de doctorat en littérature sur La représentation de la nudité dans la littérature du XVIIIe siècle sous la direction de Catriona Seth (Université de Lorraine) et Alexandre Wenger (Université de Fribourg). Elle est aujourd’hui assistante-docteure de la chaire Médecine et société de l’Université de Fribourg et s’intéresse notamment aux liens qui unissent la médecine à la littérature.

Nous avons eu le plaisir de la rencontrer lors du colloque Habillage du texte aux XVIIe et XVIIIe qui s’est tenu à Metz en septembre 2017. Son intervention portait sur «Nudité et habillage du texte dans L’Ami des femmes (1804) du docteur P. J. Marie de Saint-Ursin» [1]. L’occasion était trop belle et nous n’avons pas résisté à l’envie de la solliciter pour notre rendez-vous mensuel. Nous la remercions infiniment d’avoir bien voulu nous faire l’amitié de se prêter à l’exercice et lui cédons la tribune sans plus tarder.

Chloé Perrot

[1] La publication des actes est prévue courant 2018.

L’Ami des femmes

En ce mois de février, les amoureux de médecine et de littérature seront ravis de découvrir L’Ami des femmes du méconnu docteur P.-J. Marie de Saint-Ursin (1763-1818).

Télécharger le calendrier de février 2018.

Publié en 1804, réédité l’année suivante, le texte est dédié à l’impératrice Joséphine et se présente comme les lettres d’un médecin concernant l’influence de l’habillement des femmes sur leurs mœurs et leur santé, et la nécessité de l’usage habituel des bains en conservant leur costume actuel, avec un Appendix contenant des recettes cosmétiques et curatives.

C’est non sans ironie que le médecin-accoucheur Jean-François Sacombe (1750 (1755 ?)-1822) observe que son contemporain a «mis à contribution tous les arts, la poésie, la gravure, la typographie, et jusqu’au prestige d’un grand nom, pour mieux s’assurer le succès de son ouvrage[1]», étant entendu que la majorité des lecteurs «ne jug[e] du mérite d’une production littéraire que sur l’étiquette du sac[2]».

Au-delà de son caractère péjoratif, cette remarque attire notre attention sur les éléments composant ce qu’on appelle aujourd’hui le paratexte. Titre, épigraphe et frontispice sont autant de seuils de lecture où se manifeste la double appartenance au littéraire et au médical de L’Ami des femmes.

Par la mince frontière sémantique qui sépare l’ami de l’amant, L’Ami des femmes affiche d’entrée de jeu l’ambivalence de la figure du médecin. Cet ouvrage d’hygiène féminine sur la conservation de la beauté et de la santé s’inscrit en cela dans la continuité des textes médico-littéraires, en particulier du roman médical d’Antoine Le Camus (1722-1772) Abdecker, ou l’art de conserver la beauté (1754) – à consulter gratuitement dans notre bibliothèque numérique Medic@.

L’Ami des femmes comprend un frontispice allégorique réalisé sous la direction du célèbre graveur et dessinateur Nicolas Ponce (1746-1831). Le bain et l’habillement y sont respectivement suggérés par la nudité de la figure de la Beauté et par les petits génies tenant des plumes de paon symboles des modes changeantes. Les éléments de végétation et d’architecture antique ne permettent pas de déterminer précisément le lieu de cette scène mythologique. Cette dernière se déroule-t-elle dans le temple de la déesse Hygie entourée de rayons célestes ? Sommes-nous plutôt dans le sanctuaire de la Beauté, qui ne se distingue de Vénus que par la guirlande fleurie qui lui sert d’attribut[3] ? Les deux figures féminines font ici l’objet d’un culte commun, se faisant les incarnations d’un discours qui entremêle l’art de préserver ses charmes à celui d’entretenir sa santé.

On peut s’étonner de l’absence de toute figuration picturale du médecin à l’orée d’un texte qui, par son titre, lui accorde une place prépondérante. La légende de la gravure, l’imposant livre posé sur les genoux de la Beauté ainsi que la théâtralité qui préside à cette scène – voyez le rideau au bord supérieur du cadre – indiquent que le sujet de l’image est avant tout la mise en scène de l’écriture. C’est à travers cette représentation de l’acte d’écrire que la figure du médecin apparaît, et plus spécialement celle du médecin-écrivain mettant sa plume et les beautés du langage au service du discours hygiéniste.

S’éloignant du ton prescriptif du traité, le docteur et auteur cherche tout autant à séduire qu’à instruire les dames. Son style est parfois salué et souvent critiqué. La mise en place d’un contexte sans doute fictif destine les lettres qui composent L’Ami des femmes à une mère de famille en vue de l’éducation de ses filles. Le choix de la lettre n’est pas sans rappeler les correspondances entretenues entre patients et médecins (comme par exemple Samuel-Auguste Tissot). Il s’agit également de cibler le lectorat en se basant sur l’idée selon laquelle l’épistolaire serait un genre littéraire féminin. Les lettres sont en outre agrémentées de vignettes et de reproductions de médailles représentant différentes figures de Vénus. Tirées pour la plupart de la Dissertation sur les attributs de Vénus (1776) de l’abbé de La Chau, ces illustrations font de la déesse un modèle pour les lectrices et contribuent à faire de L’Ami des femmes un livre dont la matérialité tout autant que le propos doit demeurer plaisant.

Portons enfin notre attention sur l’épigraphe située en bas du frontispice et qui place d’emblée le texte sous le patronage de Jean-François Guichard (1731-1811), dramaturge et auteur de contes et de fables légères. Par son rythme et sa construction, l’alexandrin «La pudeur le demande et la santé l’exige» rapproche sur un même plan les deux notions. Le sens de ce vers à valeur de maxime joue de la quasi-synonymie et des nuances entre les verbes demander et exiger, la pudeur étant du côté du côté du souhait et la santé relevant d’un impératif. Le vers de Guichard fait référence aux critiques que suscitent les tenues vestimentaires féminines du début du XIXe siècle, jugées trop découvertes et trop légères par bien des médecins. Saint-Ursin est de ceux qui y voient un péril pour la santé et pour les mœurs, au point de considérer l’habillement des femmes à la mode comme un «appareil plus séduisant que la nudité[4]».

Les seuils de lecture en disent long sur la nature de cet ouvrage entre médecine et littérature galante. L’auteur se verra satisfait s’il «rencontre quelque fois [L’Ami des femmes] sur leur toilette, se glissant entre Gentil Bernard, Dumoustier, Bertin et Legouvé[5]». Ce souhait convie non seulement à de bien réjouissantes lectures mais témoigne encore de manière concrète de l’ambivalence d’un livre médical qui circule aisément de la bibliothèque à la toilette des dames.

Bénédicte PROT, Université de Fribourg

[1] Jean-François Sacombe, « L’ami des femmes », Lucine française, ou Recueil d’Observations médicales, chirurgicales, pharmaceutiques, historiques, critiques et littéraires, relatives à la Science des Accouchements, t. II, à Paris, Au bureau de la Lucine française, Chez Lefebvre, imprimeur, Ier. Vendémiaire An XII [1804], p. 438.

[2] Ibid.

[3] « Beauté », Iconologie par Figures, ou Traité complet des Allégories, Emblèmes, etc. Ouvrage utile aux Artistes, aux Amateurs, et pouvant servir à l’éducation des jeunes personnes, par MM. Gravelot et Cochin, Chez Le Pan, s.d., t. II, pp. 81-82.

[4] P. J. Marie de Saint-Ursin, L’Ami des femmes, ou lettres d’un médecin concernant l’influence de l’habillement des femmes sur leurs mœurs et leur santé, et la nécessité de l’usage habituel des bains en conservant leur costume actuel, avec un Appendix contenant des recettes cosmétiques et curatives, à Paris, chez Barba, 1804, p. 62.

[5] Ibid., p. xii.

Calendrier des Dievx de décembre : La licorne dans tous ses états

Dans la première partie de son « Discours de la licorne »[1] Ambroise Paré réunit les sources historiographiques et les légendes qui entourent l’animal. Il détaille notamment les différentes particularités anatomiques qu’on lui a attribuées. La description ne manquant pas de sel, il nous a semblé amusant, en ce mois de décembre où opère la magie de Noël, de la reprendre et de faire un point sur son actualité.

Télécharger le calendrier de décembre 2017.

Montage à partir d’un dessin d’Albrecht Dürer et d’une gravure du XVIe siècle

Tout d’abord, Paré énumère les animaux dont elle se rapprocherait le plus. Et si aujourd’hui il est bien fixé que son corps est celui d’un cheval, elle a autrefois été décrite comme s’apparentant à un âne ou à un cerf. Elle a aussi été comparée à un rhinocéros, disant du même coup adieu à sa grâce légendaire, voire à un éléphant[2] ou encore à un lévrier.

Montage à partir d’une gravure de Nicolas Marechal et d’une gravure du XVIe siècle.

Du point de vue des couleurs, les témoignages compilés par le médecin divergent également. Les «uns la figurent noire, les autres de bay obscur». Tantôt moitié blanche, moitié noire, elle est aussi décrite comme tirant sur le pourpre en sa partie supérieure, quand elle n’est pas «rayee tout à l’entour comme une coquille de limaçon».

Il est désormais plus courant de la croiser couleur d’arc-en-ciel, éventuellement pourvue d’une corne à paillettes ou d’un doré du plus bel effet.

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Sa taille fait également l’objet de toutes les interprétations. Sa version «large» a peut-être inspiré les créateurs d’emoticons pour messagerie instantanée, qui proposent d’illustrer ses agapes par une licorne énorme en train de s’empiffrer de gâteaux à la crème.

Voilà donc un bien étrange animal, polymorphe, multicolore et à géométrie variable. Mais comme le soulignait fort justement, et non sans humour, Ambroise Paré, toutes ces descriptions fournies par les uns et par les autres «demonstre[nt] assez, que ces gens là n’en sçavent rien au vray».

Estampe extraite de P. Pomet, « De la licorne » dans Histoire générale des drogues…, Jean-Baptiste Loyson & Augustin Pillon, 1694. Cote : pharma_res000061

Pour voir d’autres images de licorne et d’autres animaux fantastiques qui ont eu leur place dans les traités de médecine, rendez-vous sur la banque d’image de la bibliothèque (plus de 200.000 images à télécharger gratuitement).

Et pour tous ceux qui seraient tentés par la création de leur propre ménagerie féérique, Gallica a récemment développé l’application fabricabrac, qui permet aux heureux possesseurs d’une tablette à pomme de générer tout un bestiaire, des lettrines et des pays imaginaires.

[1] A. Paré, Discours d’Ambroise Paré, conseiller premier chirurgien du roy, à scavoir , de la mumie, des venins, de la licorne et de la peste, Paris, Gabriel Buon, 1582. 

Le texte a fait l’objet d’une réplique à laquelle Paré a répondu à son tour.

[2] On peut voir à Singapour, dans le quartier de Marina Bay une sculpture représentant un éléphant-licorne.

Chloé Perrot

En savoir plus

Ambroise Paré et ses ouvrages dans notre bibliothèque numérique Medic@

Ambroise Paré, chirurgien et écrivain français, exposition virtuelle sur notre site (2010) par Evelyne Berriot-Salvadore

Le GIF de licorne utilisé dans le tweet annonçant ce billet est une œuvre de Walter Newton, tous droits réservés

Calendrier d’octobre : Danse avec les Dievx

 

Télécharger le calendrier d’octobre 2017.

Le squelette comme motif iconographique n’a pas attendu Halloween et s’est développé dès l’Antiquité.

Les gobelets aux squelettes du Louvre (1er s. av.- 1er s. de n. è.)[1] mettent en scène la dépouille de poètes et philosophes grecs célèbres et sont gravés de sentences telles que «Jouis de la vie pendant que tu es encore en vie, le lendemain est incertain».

Photo RMN.

Mais il n’y a rien de macabre à servir à boire à ses invités dans de tels contenants. Bien au contraire, ils appellent ceux qui viennent festoyer à un certain épicurisme.

Tout autre est le message des danses macabres[2], apparues pour la première fois à Paris en 1424, au charnier des Saints Innocents[3]. Le thème ne cesse ensuite de se répandre. Dépourvu de toute invitation à profiter de la vie terrestre, il se pare au contraire de morale chrétienne. Il se fait vanité et met en garde les plus fortunés : les biens matériels ne sont qu’éphémères et il faudra rendre compte de sa vie après la mort. Pour les humbles, il est une promesse d’égalité dans l’au-delà.

Le traité de myologie de Cowper (dont est issue l’illustration du calendrier – traité à télécharger dans notre bibliothèque numérique Medic@) semble bien emprunter à ce modèle pour représenter la charpente du corps et la couche musculaire la plus profonde. La représentation qui pourrait être crue et macabre se fait ainsi plus légère voire teintée d’une touche d’humour.

Source : Pinterest

À l’inverse, le De humani corporis de Vésale (à retrouver à la BIU Santé et dans une édition critique en ligne sur notre site) prête sa gravure la plus célèbre à un relief d’ivoire allemand du XVIIe siècle. Elle est cependant détournée et retrouve pleinement son statut de vanité puisque le squelette foule «aux pieds les attributs du pouvoir ecclésiastique, monarchique et guerrier»[4].

Chloé Perrot

Nous souhaitons dédier ce court billet à la mémoire de Solange Fouilleul[5]

[1] Découverts à Boscoréale en 1895. Aile Sully, 1er étage, Salle 33.

[2] Sur ce thème voir le site de l’Association Danses Macabres d’Europe

[3] La Danse macabre [composée par maistre Jehan Gerson], peinte en 1425 au cimetière des Innocents, fac-similé de l’édition de 1484, précédé de recherches par l’abbé Valentin Dufour

[4] Catalogue d’exposition Paris, C’est la vie, Vanités de Pompéi à Damien Hirst, Musée Maillol 3 février- 28 juin 2010, Paris, Skira Flammarion, 2010, p.50.

[5] Présidente de l’association des Danses Macabres d’Europe. Pour retrouver ses études sur le sujet

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Les danses macabres dans la banque d’images de la BIU Santé (plus de 200.000 images libres de droits à télécharger gratuitement)

Des ouvrages sur les danses macabres dans le catalogue de la BIU Santé

 

 

Le calendrier des Dievx d’août : hipster ou triton ?

Le calendrier d’août met à l’honneur un hispster-sirène triton. À cette occasion, et dans le cadre de notre série de collaborations avec de jeunes chercheurs, nous avons souhaité laisser la tribune à Clarisse Evrard, agrégée de lettres classiques et doctorante en histoire de l’art moderne (université Lille 3 / École du Louvre). Elle travaille sur la représentation de l’univers chevaleresque dans la majolique italienne du Cinquecento et porte également un intérêt particulier aux figures de l’animalité et aux monstres dans les arts décoratifs de la Renaissance.

La rentrée verra aussi la publication de son article «La mise en dialogue de l’image dans la majolique italienne du Cinquecento, de la surface peinte à l’objet signifiant» dans le n° 23 de la revue de l’AHAI.

Monstres et Renaissance

Télécharger le calendrier d’août 2017.

Dans le Prologue de Gargantua (1534), Rabelais évoque la «tératologie ornementale» qui envahit les arts décoratifs de la Renaissance en décrivant les «petites boîtes, comme celles que nous voyons à présent dans les boutiques des apothicaires, sur lesquelles étaient peintes des figures drôles et frivoles : harpies, satyres, oisons bridés, lièvres cornus, canes bâtées, boucs volants, cerfs attelés, et autres figures contrefaites à plaisir», posant d’emblée la relation complexe entre imaginaire littéraire et source scientifique dans la création artistique du monstrueux. Et, en effet, quand on imagine les arts décoratifs du début du XVIe siècle1, l’on pense aux grotesques2, mascarons, termes et caryatides, autant de figures hybrides omniprésentes dans les réalisations du Pinturicchio, de Giovanni da Udine et de Raphaël pour l’Italie et dans les décors bellifontains ou les gravures de Jacques Ier Androuet du Cerceau pour la France.

Continuer la lecture de « Le calendrier des Dievx d’août : hipster ou triton ? »

Les DIEVX de juin invitent Caroline Muller

Ce mois-ci les Dievx de la BIV reçoivent Caroline Muller, historienne et blogueuse. Agrégée d’histoire, elle est professeure agrégée à l’université de Reims Champagne-Ardenne et soutiendra prochainement une thèse sur la direction de conscience au XIXe siècle à l’université Lyon 2.
Ses recherches touchent, entre autres, à l’histoire du genre et à l’histoire du soin et de la thérapeutique. C’est donc tout naturellement que nous lui avons demandé d’analyser l’illustration de notre calendrier du mois de juin.

Télécharger le calendrier de juin 2017.

La gravure zoomable sur notre banque d’images.

Cette caricature de Draner est parue en 1883 dans l’Almanach du Charivari. Le caricaturiste révèle le climat qui entoure les revendications des femmes qui souhaitent avoir accès à la carrière de médecin dans le dernier tiers du XIXe siècle.

La caricature suit une rhétorique plutôt classique, celle de l’inversion des sexes. On y présente les femmes dans des rôles inhabituels dans le but de tourner en ridicule celles qui revendiquent de nouveaux droits. Cette « inversion des rôles » se retrouve dans de nombreuses caricatures, par exemple celles qui visent les suffragistes. Elle constitue une violente charge contre les femmes qui voudraient devenir médecins, mais est aussi un excellent révélateur des angoisses masculines au sujet des places et rôles de genre.

When Women vote, carte postale, coll. C. H. Palczewski

Draner souligne d’abord l’incapacité des femmes à devenir médecins : elles cherchent à « se mettre à la hauteur des Princes de la science » (vignette « En consultation ») mais leurs seules qualités professionnelles sont la séduction. C’est le sens de la vignette « Vous êtes paralytique, vous voudriez marcher ? Eh bien, venez m’embrasser ». Les femmes manquent non seulement d’intelligence, mais aussi de l’autorité qui permet d’incarner la fonction de médecin : la « chirurgienne major », juchée sur son cheval, est tournée en dérision. Le titre même de la caricature renvoie à cette imposture : là où le « médecin » est une identité professionnelle à part entière, c’est la féminité qui prime dans la dénomination de « femmes médecins ». Les vignettes ne cessent de renvoyer à cette « essence » féminine : le médecin est d’abord une femme qui accouche (« mon médecin qui est en mal d’enfant ») ou une séductrice profitant de la situation pour assouvir son désir sexuel (« est-il jeune et joli garçon ? »). Continuer la lecture de « Les DIEVX de juin invitent Caroline Muller »

En mai, nage comme il te plaît (Dievx de la BIV s02e02)

Avec le mois de mai et le retour des beaux jours (du moins l’espère-t-on) les Dievx de la BIV Santé vous proposent cette fois-ci des activités nautiques.

dieux-mai-2017En l’occurrence l’over arm side stroke (figure 79, ci-contre).

Télécharger le calendrier mai 2017.

Cette nage (qui se pratique sans tabouret contrairement aux apparences) semble s’apparenter à une forme de brasse indienne, pour autant qu’on puisse en juger en un seul cliché statique.

«L’over arm est une nage de côté élégante et assez rapide où les bras font une sorte de moulinet latéral tandis que la jambe qui se trouve dans la profondeur donne un battement bref nommé le « coup de ciseau ». Le tête est toujours à moitié émergée.»

Les autres figures, crawl et flottaisons diverses, étant beaucoup plus classiques et faciles à reproduire.

Ces illustrations sont issues de Ma doctoresse : Guide pratique d’hygiène et de médecine de la femme moderne / Doctoresse Houdré-Boursin ; préface du Dr Cavaillon,… Strasbourg : Editorial Argentor, 1933À consulter sous la cote 190048 au pôle Médecine de la BIU Santé.

La doctoresse Marie Houdré-Boursin, elle-même membre du club Femina Sport dans les années 20, y encourage la femme moderne à exercer des activités physiques (entre autres nombreux conseils). Avec succès, puisque son ouvrage connut plusieurs éditions successives.

Retrouvez de nombreuses autres illustrations dans notre banque d’images et de portraits, plus de 200.000 images à télécharger librement sur notre site.

Solenne Coutagne et Claire Ménard

Les Dievx de la BIV, saison 2 : 1er coup d’œil

Voilà un an, la BIU Santé se lançait dans l’aventure du calendrier des Dievx de la BIV dans l’optique de vous faire porter un regard nouveau sur les représentations scientifiques du corps humain. Comme toutes les aventures, celle-ci a connu quelques vicissitudes. Quelques mois ont été perdus de vue, faute de combattants.

ababaAvec le retour du printemps, les bibliothécaires du service Histoire ont décidé de jeter un œil neuf sur ce dossier. Pour satisfaire les voyeurs délaissés qui se languissaient de ne plus rien avoir à voir, ni à afficher sur les murs de leur bureau pour connaître le jour du mois.

À la manière d’une vision périphérique, ce n’est pas un corps en son entier qui sera exposé à votre regard pour ce premier épisode (car en avril…). Visons plutôt un organe, et pas des moindres. C’est donc un œil, ou plutôt des yeux, qui vous seront donnés à voir. L’œil de Bartisch, affectueusement surnommé Ababa, et ses petits frères.

03766Ils sont issus du Ophthalmodouleia Das ist Augendienst de Georg Bartisch. Ce médecin allemand, féru de chirurgie oculaire, publia son ouvrage en 1583, manuel de référence sur les troubles ophtalmiques. Ces illustrations sont à retrouver dans notre banque d’images gratuites, plus de 200.000 documents librement téléchargeables sur notre site.

Les plus perspicaces d’entre vous auront vu que c’est également de cet ouvrage qu’était issue notre très cérébrale carte de vœux 2017.

Télécharger le calendrier d’avril 2017.

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