Des pirates belges pour achever les Dievx de la BIV

Les DieVx de la BIV bouclent la boucle. Ils ont commencé le 1er avril 2016  avec un «super original» de Bourgery : un dessin de Jacob en vue du grand Traité complet de l’anatomie de l’homme comprenant la médecine opératoire. Ils saluent finalement la galerie avec des reproductions de reproductions de reproductions (mais rares, quand même) du même Bourgery : des «contrefaçons belges» de l’Anatomie élémentaire.

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La bibliothèque vient d’acquérir chez deux libraires parisiens quelques exemples de planches en couleur de l’Anatomie élémentaire de Jean-Marc Bourgery (1797-1849), provenant de deux éditions belges contrefaites.

Les trois illustrations ci-dessus à retrouver dans notre banque d’images :

L’original de N. H. Jacob et le texte qui l’accompagne ;

La copie de 1840 ;

La copie de 1853.

Bourgery est un des auteurs majeurs de l’anatomie du XIXe siècle. Il a fait appel à de brillants dessinateurs spécialisés,  en particulier Jacob et Léveillé, qui ont contribué à placer au plus haut les standards de qualité de l’iconographie dans leur domaine. Les deux éditions de son Traité – la première en noir et blanc (Paris : C. Delaunay, 8 vol., 1831-1846[1]); la seconde, posthume, en couleur (Paris : L. Guérin, 9 vol., 1866-1871[2]) – sont des chefs-d’œuvre, qui ont marqué l’iconographie anatomique, et qui sont peut-être les plus beaux exemples de la production éditoriale médicale, tout à fait remarquable, de cette époque.

En marge de la première édition du grand Traité, l’éditeur Crochard a produit une Anatomie élémentaire, constituée de vingt planches de très grand format (89 x 52 cm). Il me semble qu’on nommerait cela un produit dérivé, aujourd’hui. Comme c’était souvent le cas, deux présentations étaient proposées à la vente : en noir et blanc, et coloriée (un coloriage qui, à cette époque, se faisait à la main, dans des ateliers spécialisés[3]). La bibliothèque possédait déjà un exemplaire en noir et blanc complet (Paris : Crochard, 1836-1839[4]), et six planches en couleur imprimées et coloriées à Paris[5].

Mais le succès du Bourgery a dépassé les frontières : au plus tard en 1840, la Société typographique belge Ad. Wahlen et Cie[6] a contrefait les vingt planches ; un peu plus tard (sans doute vers 1853[7]), l’éditeur Méline, Cams et Cie, associé au Comptoir des éditeurs, fait paraître une autre édition, d’un rendu assez différent. Un autre éditeur encore, la Société encyclographique des sciences médicales, a produit une édition en 1843 ; nous n’en avons pas vu d’exemplaire[8].

Qu’en était-il des droits de propriété intellectuelle? Eh bien, il n’en était pas question (sauf dans les protestations des éditeurs français, naturellement). À cette époque, et jusqu’au début du Second Empire, aucun traité ne protégeait les productions éditoriales. L’industrie de l’édition belge a donc produit légalement un nombre très important d’éditions non autorisées, tout particulièrement à partir de la production éditoriale française.

Myologie. Aponévrologie. Pl. 7. Plan latéral. Bourgery, Jean-Marc. Jacob, Nicolas-Henri. – [Anatomie élémentaire en 20 planches…]. – Bruxelles : Méline Cans et Cie éditeurs, Comptoir des éditeurs (H. Dumont, gérant). Cote BIU Santé : CISD0087
En littérature dans la première partie du XIXe siècle, l’édition belge a même parfois publié en volumes des œuvres dont la parution originale en feuilleton s’achevait à peine dans les journaux français, produisant ainsi des éditions originales (les «préfaçons»[9]). Au point que Jacques Hellemans peut écrire : «Durant toute la première moitié du XIXe siècle, c’est principalement dans les éditions belges que le monde lit les œuvres des écrivains français.»[10] C’est à la littérature seule qu’il pense, pas aux sciences, je crois.

Une convention pour la garantie réciproque de la propriété littéraire et artistique, conclue le 22 août 1852 entre la France et la Belgique[11] et ratifiée le 12 avril 1854[12], transforma profondément la situation au détriment de l’industrie belge, et mit fin au piratage.

«[L’ ]accord impos[a] notamment un inventaire dans les librairies en France et en Belgique des éditions imprimées […]. Un timbre uniforme sera[it] apposé sur tous les ouvrages correspondant dans un délai de trois mois. Au-delà, toute réimpression non autorisée et dépourvue de timbre sera[it] considérée comme illicite[13].» La présence du timbre sec sur nos planches indique qu’elles étaient en vente durant la période où le timbrage était encore possible. Que les âmes sensibles à la protection des droits de la propriété intellectuelle se rassurent donc : la BIU Santé ne peut pas être considérée comme receleuse de contrefaçons illégales, du moins pas à cause de ces planches. Produites quand la loi n’interdisait pas encore de le faire, elles ont été dûment régularisées après la ratification de la loi avant d’être vendues.

La bibliothèque possède des exemples d’autres éditions contrefaites belges dans le domaine scientifique, par exemple l’édition de l’atlas du Traité de phrénologie humaine et comparée de Joseph Vimont[14]. Mais tout compte fait, ces exemples ne paraissent pas très nombreux. La consultation de grands catalogues internationaux ne donne pas non plus l’impression que les contrefaçons belges ont inondé le monde médical. Le sujet serait sans doute à creuser.

Ce qui est sûr, c’est que nos nouvelles planches ne sont pas fréquentes dans les bibliothèques (ni ailleurs sans doute !) Elles témoignent à la fois du succès de l’œuvre de Bourgery, et de l’état du marché éditorial international durant le second quart du XIXe siècle.

Jean-François Vincent

[1] Gallica.
[2] Medic@.
[3] Sur ce sujet, voir l’important projet : Bourgery & Jacob. Dissection d’un atlas anatomique du XIXe siècle. Dirigé par Olivier Poncer, André Bihler et Martial Guédron. (2018 ; consulté le 10 décembre 2018). En ligne sur Internet: http://www.bourgery-jacob.hear.fr
[4] Cote BIU Santé : 1893. Numérisé dans Medic@.
[5] Banque d’images et de portraits.
[6] Cette édition est mentionnée en 1840 dans Delécluze, «Des travaux anatomiques de M. le Docteur Bourgery», IN : Revue de Paris. Bruxelles : Société typographique belge Ad. Wahlen et Cie, 1840.
[7] Cette édition est probablement de 1853 ou 1854 : elle a été coéditée par l’éphémère «Comptoir des éditeurs», dont les productions que l’on peut repérer dans Unicat, le catalogue collectif belge, sont datées de ces deux années.
[8] Le texte de cette édition est accessible dans Google Books.
[9] Sur ce mot. L’éditeur Méline a ainsi publié Le curé de village de Balzac «au moins dix-huit mois avant l’édition parisienne sous forme de livre» (Martyn Lyons. «La contrefaçon belge». IN Histoire de l’édition française, t. 3, p. 272-273).
[10] Dictionnaire encyclopédique du livre. Paris : Cercle de la librairie, 2002 ; t. 1, art. Belgique, p. 240.
[11] Jules Delalain. Législation de la propriété littéraire et artistique ; suivie des Conventions internationales (Nouvelle édition revue et augmentée). Paris: Delalain, 1858.
[12] Le texte est accessible dans Google Books.
[13] Léo Mabmacien. «La contrefaçon belge de livres à l’époque romantique». Blog Bibliomap : le monde autour des livres anciens et des bibliothèques. Consulté le 25 novembre 2018.
[14] Bruxelles : Établissement encyclographique, 1841. En ligne ; à comparer avec l’édition originale de Paris et Londres chez J.-B. Baillière, 1831.

En novembre, les dieVx passent la pommade

Il y a des dieVx à revendre dans le calendrier de ce mois-ci, grâce à un document tout nouvellement acquis par la bibliothèque.

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Jacques André Millot candidat. François Chopart président. De uteri prolapsu. Parisiis : In Regiis chirurgicorum scholis. 1771. Cote BIU Santé : CISE 141

La thèse soutenue au Collège royal de chirurgie le 30 décembre 1771 par Jacques André Millot, sous la présidence de François Chopart, est une grande affiche (96 cm x 67 cm) imprimée sur deux feuilles accolées, dont nous n’avons pas localisé pour l’instant d’autre exemplaire. Elle appartient à la famille des «thèses à image».

Mais qu’est-ce qu’une thèse, qu’est-ce qu’une thèse à image, qu’est-ce qu’une thèse de chirurgie ? Tous ces mots sont des faux amis, qui nous poussent dans les horreurs de l’anachronisme. Qui sont Millot et Chopart, et qu’est-ce qu’entrer au Collège royal de chirurgie ? Que représente enfin cette grande image solennelle ?

[thème de l’image ci-dessous : le réservoir de Bethezda]

Disdier, François-Michel candidat. Jallet Nicolas – René président. Paris, 1750. Une autre thèse à image de la BIU Santé (cliquez dessus pour la numérisation originale). Cote 318, coll. artistiques FMP.

 

Les thèses de l’Ancien régime n’étaient pas ces travaux de recherche parfois monumentaux et normalement originaux qui sont aujourd’hui les «chefs-d’œuvre» réclamés au candidat en échange du plus haut diplôme universitaire, le doctorat. Ni même les mémoires, moins épais et moins souvent originaux, qui sont demandés pour l’obtention du doctorat en médecine. Depuis le Moyen Âge, l’étudiant, à la Faculté de médecine notamment, devait défendre plusieurs thèses au cours de sa formation : c’est-à-dire qu’il devait se soumettre, au cours de cérémonies réglées de plusieurs heures, au feu des questions de ses maîtres et de ses pairs, sur un sujet connu à l’avance. Cette cérémonie  dans certains cas (mais pas dans tous) devait s’accompagner d’une publication. La thèse de médecine écrite compta longtemps cinq paragraphes, pas un de plus ni de moins, sous la forme d’une affiche. En voici un exemple ordinaire du XVIIe siècle :

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Octobre : Les dievx de la BIV se mettent en mouvement

« Je suis fasciné par le mouvement, qui est le signe le plus apparent de la vie. »
(Étienne-Jules Marey)

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Ce mois-ci, les dievx de la BIV mettent à l’honneur le travail d’Étienne-Jules Marey (1830-1904). Médecin, physiologiste et inventeur français, il a fortement contribué à l’avancée de la physiologie. Partant du principe que nos sens ne sont pas assez affutés pour étudier un mouvement, Marey met à profit son ingéniosité en adaptant des machines utilisées en physique pour enregistrer graphiquement les mouvements du corps ou dans le corps. Ceux-ci peuvent ainsi être mesurés, quantifiés, et analysés : c’est la méthode graphique.

Le mouvement par l’image

On doit à Étienne-Jules Marey l’invention du sphygmographe direct, en 1863, qui retranscrit le tracé du pouls sur une bande de papier. Source : Medic@ – Marey, Etienne-Jules. – La méthode graphique dans les sciences expérimentales et principalement en physiologie et en médecine.

Le cliché qui illustre ce calendrier correspond à une évolution du travail de Marey. Toujours dans le but d’étudier les mouvements des hommes et de certains animaux, notamment les oiseaux, il utilise la photographie pour capter ce que l’œil ne peut voir. C’est ainsi qu’il créé en 1882, la Station physiologique du Parc des Princes à Boulogne-sur-Seine où il expérimente un nouveau procédé : la chronophotographie. Cette technique consiste à prendre en rafale des instantanés sur une plaque de verre photosensible. Celle-ci est exposée brièvement plusieurs fois, grâce à un obturateur rotatif placé derrière l’objectif, qui laisse passer la lumière par intermittence. Il est ainsi possible d’obtenir sur une même photographie les mouvements décomposés d’un homme ou d’un animal.

Pour mener à bien son travail, Étienne-Jules Marey fait aménager dans sa station un hangar peint en noir, de dix mètres sur dix, équipé de panneaux et de rideaux amovibles, afin d’adapter sa surface à l’usage de la chronophotographie.

De la photographie au film

Pour étudier les mouvements avec plus de précision, Marey et son collaborateur Georges Demeny font breveter un modèle de caméra argentique en 1890. La décomposition photographique du mouvement ne figure plus sur une même plaque, mais image après image sur un rouleau non perforé, au rythme de douze clichés par secondes.

Pour en savoir plus

Vous trouverez dans Médic@ de nombreux ouvrages numérisés concernant les travaux de Jules-Étienne Marey.

La BIU Santé y consacre l’exposition virtuelle la science du mouvement et l’image du temps, réalisée sous l’égide de Marta Braun (Ryerson University), à partir des plaques numérisées par le Collège de France. Elle retrace le travail du physiologiste, à travers 473 plaques photographiques.

Fabien LAFAGE

Les dievx de septembre, Kafka et slip en lin

C’est la rentrée et son cortège de bonnes résolutions. Pour adopter une meilleure hygiène de vie avant les excès de fin d’année, les Dievx de la BIV vous proposent de vous intéresser au système du bon docteur Müller (qui n’était d’ailleurs pas médecin).

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Mon système – 15 minutes de travail par jour pour la santé par J.P. Müller traduit sur la cinquième édition danoise par E. Philipot.

Jørgen Peter Müller (1866-1938) est un auteur danois, qui après avoir étudié la théologie devint lieutenant du génie puis ingénieur civil. Enfant chétif, il se transforma au fil des ans en un sportif accompli, via une méthode qu’il partage dans ses ouvrages. Avis aux amateurs, il n’y a pas de page Wikipédia en français le concernant !

La présente édition de Mon système, disponible au pôle Médecine de la BIU Santé, est enrichie de 44 photographies, parfois croquignolettes. Car pour illustrer ses exercices, l’auteur n’hésite pas à se mettre lui-même en scène, dans un appareil souvent minimaliste, voire inexistant (ses ouvrages seront d’ailleurs soupçonnés de pornographie, en ce début du XXe siècle sortant tout juste du puritanisme victorien).

J.P. Müller et sa moustache (source Wikipédia)

Succès d’édition à l’époque (plus de 10.000 exemplaires pour la 5e édition, 30.300 pour le présent tirage en français), Mon système bénéficia d’au moins cinq éditions françaises  jusqu’en 1930. L’ouvrage aurait été publié à plus de 2 millions d’exemplaires à travers le monde et traduit en plus de 20 langues. On peut d’ailleurs en trouver en ligne des rééditions contemporaines, qui vantent son programme en 6 semaines et 18 exercices.

« [Ce livre] parle au lecteur sur un ton persuasif, convaincant et avec une autorité irrésistible. »

 

Comme Kafka (qui était un grand admirateur de cette méthode) vous y découvrirez «les divers systèmes de gymnastique en chambre (30 ans d’expérience)», les «vêtements de dessous rationnels» (spoiler : vive le lin !), «les soins à donner aux pieds» («Un pied mal entretenu a quelque chose du cadavre») et qu’une température modérée de 15° est bénéfique dans les appartements (l’auteur est danois).

Derrière ces titres surannés se dessine une hygiène de vie dont bien des aspects demeurent d’actualité. Tant et si bien que les exercices Muller sont encore pratiqués par de nombreux adeptes aujourd’hui, dans le monde entier.

À noter en fin d’ouvrage une réclame pour «les meilleurs vêtements de dessous du XXe s.». Avis aux publicitaires, un autre encart demeure disponible en-dessous, mais réservé à des tubs ou des pommes d’arrosoir. À bon entendeur…

En savoir plus

Kafka’s Calisthenics (article de Slate en anglais)

 

Les dievx de la BIV vous offrent un bel écorché pour juin

Les DIEVX retournent ce mois-ci à leurs premières amours avec cet écorché dessiné par Edmé Bouchardon et gravé par Gabriel Huquier pour L’anatomie nécessaire pour l’usage du dessein (1741).

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À son retour d’Italie, à la fin années 1730, Edmé Bouchardon (1698-1762) produit un grand nombre d’académies qu’il fait graver par Gabriel Huquier (1695-1772)[1]. Elles sont destinées à la formation des artistes et au plaisir des amateurs. Mais Huquier ne vend pas que les recueils. Il fournit également des écorchés de terre cuite qui permettent une étude du corps humain en trois dimensions, pour qui n’a pas la chance de dessiner d’après nature[2]. En effet, la carte professionnelle du graveur et marchand montre la présence de la statuette. Il pourrait s’agir d’une simple évocation du recueil mais le catalogue de vente d’une partie de sa collection, en 1771, indique qu’il possédait «un autre écorché exécuté en terre cuite, très-utile à ceux [qui] étudient le Dessein, par Bouchardon»[3] et un «creux fait pour en tirer des plâtre[4].

De la même manière, quand il diffuse par la gravure les dessins de l’ornemaniste Juste-Aurèle Meissonnier, il a également à sa disposition des «Moules, Plâtres & Plombs, d’après Meysonier»[5] décrits comme des modèles «pour orfèvrerie et bijoux» et comme des «petits creux en terre pour bijoux, tabatières, etc.»[6].

On peut supposer que la version 3D des objets, toujours complexes, dessinés par Meissonnier, a pu être d’un grand secours au graveur dans le processus de reproduction des dessins sur la planche de cuivre.

Mais Huquier s’est également fait une spécialité : fournir le matériel nécessaire à eux qui veulent apprendre à dessiner. Et dès lors, il ne se contente pas de vendre des recueils de gravures à reproduire. Il semble qu’il ait proposé de véritables kits pour amateurs de loisirs créatifs : une anatomie et sa statuette, tirée d’après une œuvre de sculpteur de renom, des modèles de la plus belle Rocaille et un tirage qui permet de mieux apprécier le jeu des courbes et contre-courbes ou encore des estampes prêtes à être découpées, probablement mises en couleur et collées sur un paravent[7].

En éditant ses recueils en plusieurs livres, souvent par souscription, il avait devancé les Éditions Atlas et autres du même type qui proposent d’acquérir progressivement de quoi construire un petit squelette ou la maquette d’une célèbre caravelle. Mais il est vrai que les recueils d’Huquier, relativement onéreux, ne permettaient pas à tout un chacun d’acquérir pour une somme dérisoire une mandibule en plastique d’un blanc crémeux, éternellement vouée à la solitude et à la poussière, en raison du prix toujours croissant des numéros suivants.

Chloé Perrot

[1] Catalogue d’exposition 1698-1762 Bouchardon, une idée du Beau, Musée du Louvre, 14 septembre au 5 décembre 2016, p.8.

[2] Privilège en principe réservé aux élèves de l’Académie.

[3] Catalogue des tableaux, gouaches, desseins… du Cabinet de M*** [Huquier père], Paris, 1771, p.148 – 149, lot 874. La description indique « un autre écorché », pourtant, aucun autre objet identique ne figure dans la vente.

[4] Ibidem

[5] JOULLAIN (François-Charles), Catalogue des tableaux à l’huile, à gouasse et au pastel : peintures de la Chine, enluminures… de feu M. Huquier, graveur, Paris, vente du 9 Novembre 1772.

[6] Ibidem

[7] Mercure de France, Juillet 1737, p.1622.

En savoir plus

Un fascicule sur le traité de Bouchardon de 1741 : Le Traité d’anatomie d’Edme Bouchardon — communication de M. Henry Ronot

Un autre recueil de Gabriel Huquier dans nos collections : Livre de différentes espèces d’oiseaux, insectes, plantes, fleurs et trophées de la Chine : Tirés du Cabinet du Roi

Les dievx du 18e emmaillotent les enfants

Ce mois-ci les DIEVX DE LA BIV ont l’honneur de recevoir Florence Fesneau, qui achève une thèse en histoire de l’art moderne sous la direction du Pr Étienne Jollet (université Paris 1). Ses recherches portent sur Le sommeil et ses représentations : dormeurs et dormeuses au XVIIIe siècle.

Sa dernière publication, «Les secrets plaisirs de la voyeuse au temps des Lumières» est parue dans le numéro 37 de la revue Lumen. Membre actif du GRHAM, Florence Fesneau est co-organisatrice de la prochaine journée d’étude du groupe : «Le mou : saisir la mollesse de la matière au motif dans les arts visuels à l’époque moderne» qui se tiendra le 13 juin à l’INHA.

Nous la remercions chaleureusement de sa passionnante contribution.

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Emmailloter les enfants au XVIIIe siècle

Anon., Enfant endormi dans son berceau, gravure dans Nicolas Andry de Boisregard, L’Orthopédie, ou l’Art de prévenir et de corriger dans les enfants les difformités du corps, Paris, Vve Alix, 1741, face p. 258.

Le XVIIIe siècle exprime un intérêt renouvelé pour le bien-être de l’enfant[1] qui se manifeste non seulement dans la littérature de nouvelles, mais aussi dans la littérature médicale adressée à un large public, ainsi que dans les gravures d’illustration qui accompagnent ces ouvrages, dont deux sont ici prises en exemple.

En 1741 Nicolas Andry de Boisregard publie L’Orthopédie, ou l’Art de prévenir et de corriger dans les enfants les difformités du corps, ouvrage dans lequel il professe cette science nouvelle dont il a créé le nom en rapprochant deux mots grecs (ortho : droit ; paido : enfant). Dans un des chapitres de ce livre, l’auteur observe «que la plupart des enfans n’ont les pieds en dedans, & d’autres difformités, que par la faute des Nourrices, qui les emmaillotent mal[2].» La gravure qui illustre le propos montre un enfant endormi tout nu, le corps libre de toute entrave avec un petit coussin à ses pieds. Il ne s’agit pas encore de proclamer la fin du maillot, mais de montrer comment les nourrices pourraient mieux emmailloter les enfants en fixant les pieds talon contre talon «par le moyen d’un petit coussinet engagé entre les deux pieds de l’enfant & figuré en forme de cœur, dont la pointe seroit mise entre les deux pieds de l’enfant, & la base entre les deux extrémités de ses pieds[3]». Le procédé permettrait ainsi de diminuer fortement le nombre «de cagneux & de cagneuses[4]». Andry reconnaît que «l’art d’emmailloter les enfants, n’est pas une petite chose[5]», mais il ne le réprouve pas, pour autant que les nourrices ne garrotent pas les enfants «comme si c’étoient des ballots qu’elles eussent à envoyer dans quelque Païs éloigné» et qu’elles les changent régulièrement de telle manière à «les tenir dans la propreté nécessaire à leur accroissement & à leur santé[6]

Nicolas de Launay d’après Hubert-François Gravelot, Frontispice dans Raulin, Joseph, De la conservation des enfants, Paris, Merlin, 1768, BIU Santé.

Le débat prend de l’ampleur quand, en 1762, Jean-Jacques Rousseau préconise dans l’Émile l’abandon du maillot au profit de langes flottants[7] . En 1768 et 1769, le médecin-accoucheur Joseph Raulin[8] fait paraître un ouvrage en deux volumes traitant De la conservation des enfants, Ou les moyens de les fortifier, de les préserver & guérir des maladies, depuis l’infant de leur existence, jusqu’à l’âge  de leur puberté. Le premier tome est orné d’un frontispice qui résume le propos, en montrant des enfants à tous les stades de leur développement sous l’œil bienveillant d’Esculape. Raulin professe une nouvelle manière d’élever les enfants et bataille pour que les nouveau-nés soient enfin débarrassés du carcan que représente le maillot disposé en bandes si serrées qu’il empêche tout mouvement et nuit à un développement harmonieux[9]. La nourrice de la gravure suit les recommandations de Raulin : elle tient dans ses bras un enfant entouré d’un simple lange flottant et le nourrisson qui se trouve à côté d’elle, dans le berceau, a les bras libres. Raulin préconise d’ailleurs une juste utilisation du berceau dans lequel l’enfant doit être à son aise sans pouvoir se blesser. Il indique que les nourrices doivent agir avec modération et savoir ne pas se montrer trop brutales dans l’usage du berceau : «il est certain que si l’on berce un enfant dès qu’il a tété, on trouble sa digestion ; si on l’agite violemment, comme l’on a coutume de le faire pour l’empêcher de crier, on s’expose à des accidents dangereux[10].» L’éventuel risque que représentent des mouvements trop brusques du berceau est résolu dans la gravure car le grand panier d’osier tressé dans lequel repose tranquillement le nourrisson est sur pieds fixes, comme le préconisait déjà Rousseau dans l’Émile[11].

Si l’iconographie se prête volontiers à la diffusion des thèmes rousseauistes[12], elle témoigne aussi de résistances qui ne seront vaincues qu’à la toute fin du siècle. Les petites filles – en particulier celle représentée de dos levant les bras vers le cerf-volant de son frère dans la gravure de Gravelot – continuent en effet de voir leurs mouvements entravés par le port du corset qui marque fortement la taille, en dépit l’opinion professée par Raulin dans son ouvrage : «On donne des corps de jupe aux enfans à l’âge de sept à huit mois ; on les avoit déjà mis à la torture par le maillot, on délivre alors les extrémités de ce supplice, pour mettre dans une plus grande contrainte, les viscères & les entrailles, & pour mutiler les os[13]

[1] Philippe ARIES, L’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, Paris, Plon, 1960.

[2] Nicolas ANDRY DE BOISREGARD, L’Orthopédie, ou l’Art de prévenir et de corriger dans les enfants les difformités du corps, Le tout par des moyens a la portée des Peres & des Mères & des personnes qui ont des enfans à élever, Paris, Vve Alix, 1741, p. 258.

[3] Id.

[4] Id.

[5] Id.

[6] Ibid. p. 259.

[7] Jean-Jacques ROUSSEAU, Œuvres, L’Émile, Paris, Werdet et Lequien, 1826, t. I, p. 58 : «Au moment que l’enfant respire en sortant de ses enveloppes, ne souffrez pas qu’on lui en donne d’autres qui le tiennent plus à l’étroit. Point de têtières, point de bandes, point de maillot ; des langes flottants et larges, qui laissent tous ses membres en liberté, et ne soient ni assez pesants pour gêner ses mouvements, ni assez chauds pour empêcher qu’il ne sente les impressions de l’air.»

[8] Joseph RAULIN (1708 – 1784) est mieux connu pour son Traité des affections vaporeuses du sexe, publié en 1758, qui marque un tournant dans l’histoire des maladies des femmes, car il est l’un des premiers à totalement adapter la théorie fibrillaire à la pathologie féminine cf. DORLIN, Elsa, La matrice de la race. Généalogie sexuelle et coloniale de la Nation française, Paris, La Découverte, 2006.

[9] Joseph RAULIN, De la conservation des enfants, Ou les moyens de les fortifier, de les préserver & guérir des maladies, depuis l’infant de leur existence, jusqu’à l’âge  de leur puberté, Paris, Merlin, 1769, t. II, p. 118 – 139.

[10] Ibid., p. 133.

[11] ROUSSEAU, 1826, t. I, p. 58 : «Je dis un berceau, pour employer un mot usité faute d’autre, car d’ailleurs je suis persuadé qu’il n’est jamais nécessaire de bercer les enfants, et que cet usage leur est souvent pernicieux

[12] Anne SANCIAUD-AZANZA, «L’évolution du costume enfantin au XVIIIe siècle : un enjeu politique et social», Revue d’histoire moderne et contemporaine, t. 46 n°4, Octobre-Décembre 1999, p. 770 – 783.

[13] RAULIN, 1769, t. II, p. 255.

En avril, danse avec les Dievx (grecs)

Φοράν παρά φοράν

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Plutarque a fourni une description de la danse antique, analysée par Jean Nogué dans le Bulletin de correspondance hellénique en 1937. Il évoque les positions, les mouvements et même les temps où le danseur, selon l’expression de Reinach reprise par Nogué, «tient la note».

Au XIXe siècle, Maurice Emmanuel s’intéresse à la danse antique selon une approche reconstructionniste. Il collabore alors avec Étienne-Jules Marey, et tous deux emploient la chronophotographie pour retrouver, non seulement le mouvement du corps mais aussi celui du tissu du vêtement, comme en témoigne l’image choisie pour notre calendrier d’avril. Mais Emmanuel ne s’appuie pas sur les sources littéraires, comme le texte de Plutarque, qu’il considère comme peu fiables. Il préfère les sources visuelles, quitte à en assembler plusieurs différentes. Il a également recours à la danse contemporaine, grâce à l’aide de Joseph Hansen, maître de ballets de l’Opéra de Paris, pour retrouver les gestes perdus de l’Antiquité.

Au début du XXe siècle, Georges Demenÿ reprend les études de Maurice Emmanuel et compare quant à lui les attitudes des danseurs grecs, tels qu’ils avaient été reconstitués au XIXe siècle, à des mouvements de gymnastiques.

G. Demenÿ, Mécanisme et éducation des mouvements, Paris, F. Alcan, 1904. Cote BIU Santé : 5565

À la fin des années 1960, la danse antique fait l’objet de nouvelles études de Louis Séchan et les travaux d’Emmanuel et Marey ont été analysés récemment, dans un article d’Audrey Gouy qui nous a servi de support et dans un article de Josette Ueberschlag.

Les reconstitutions du XIXe siècle sont sûrement moins les témoins de la réalité de la danse antique que de la manière dont ce siècle s’est approprié l’Antiquité. En effet, bien qu’il soit possible de reconstituer les conventions au moyen des sources, si la danse exprime les «mouvements de l’âme»[1], peut-on espérer reconstruire et comprendre, à tant de siècles de distance, «l’âme» de la Grèce antique  ?

C’est une question que nous aurions pu poser à M. Guy Cobolet, lui qui a exercé pendant six ans à l’École française d’Athènes avant de prendre la direction de la BIU Santé de 2000 à 2018. Nous souhaitons d’ailleurs lui dédier les DIEVX du mois d’avril et le remercier, personnellement, pour la confiance qu’il nous a accordée et pour son soutien dans tous nos projets, de ce simple calendrier à la journée d’étude Fecit ex natura, entre autres.

Chloé Perrot

[1] Nous empruntons ces mots à la présentation de l’exposition Corps en mouvement, qui s’est tenue au Louvre du 6 octobre 2016 au 3 juillet 2017.

En savoir plus

Les documents sur Étienne-Jules Marey à la BIU Santé

La science du mouvement et l’image du temps, 473 plaques photographiques d’Étienne-Jules Marey (exposition virtuelle BIU Santé)

 

En mars, les Dievx enlèvent le haut

Avec le redoux de mars (va-t-il durer ?), les dievx de la BIV n’hésitent pas à se dévoiler davantage.

En témoigne cet éphèbe dépoitraillé (au sens propre du terme) échappé tout droit du 17e s. italien. On notera le déhanché et le couvre-chef de circonstance.

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Cette illustration provient des Tabulae anatomicae de l’anatomiste Giulio Casserio. Avis aux Wikipédiens, ce bon docteur ne bénéficie d’aucune notice en français !

Les illustrations, souvent très expressives, sont l’œuvre de Francesco Valesio, d’après Odiardo Fialetti, peintre italien de l’école du Titien.

L’ensemble de l’ouvrage est disponible gratuitement dans notre bibliothèque numérique Medic@ (plus de 230.000 documents, 4 millions de pages numérisées).

Nudité, santé, beauté pour les Dievx de février

Bénédicte Prot a soutenu en juin 2017 une thèse de doctorat en littérature sur La représentation de la nudité dans la littérature du XVIIIe siècle sous la direction de Catriona Seth (Université de Lorraine) et Alexandre Wenger (Université de Fribourg). Elle est aujourd’hui assistante-docteure de la chaire Médecine et société de l’Université de Fribourg et s’intéresse notamment aux liens qui unissent la médecine à la littérature.

Nous avons eu le plaisir de la rencontrer lors du colloque Habillage du texte aux XVIIe et XVIIIe qui s’est tenu à Metz en septembre 2017. Son intervention portait sur «Nudité et habillage du texte dans L’Ami des femmes (1804) du docteur P. J. Marie de Saint-Ursin» [1]. L’occasion était trop belle et nous n’avons pas résisté à l’envie de la solliciter pour notre rendez-vous mensuel. Nous la remercions infiniment d’avoir bien voulu nous faire l’amitié de se prêter à l’exercice et lui cédons la tribune sans plus tarder.

Chloé Perrot

[1] La publication des actes est prévue courant 2018.

L’Ami des femmes

En ce mois de février, les amoureux de médecine et de littérature seront ravis de découvrir L’Ami des femmes du méconnu docteur P.-J. Marie de Saint-Ursin (1763-1818).

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Publié en 1804, réédité l’année suivante, le texte est dédié à l’impératrice Joséphine et se présente comme les lettres d’un médecin concernant l’influence de l’habillement des femmes sur leurs mœurs et leur santé, et la nécessité de l’usage habituel des bains en conservant leur costume actuel, avec un Appendix contenant des recettes cosmétiques et curatives.

C’est non sans ironie que le médecin-accoucheur Jean-François Sacombe (1750 (1755 ?)-1822) observe que son contemporain a «mis à contribution tous les arts, la poésie, la gravure, la typographie, et jusqu’au prestige d’un grand nom, pour mieux s’assurer le succès de son ouvrage[1]», étant entendu que la majorité des lecteurs «ne jug[e] du mérite d’une production littéraire que sur l’étiquette du sac[2]».

Au-delà de son caractère péjoratif, cette remarque attire notre attention sur les éléments composant ce qu’on appelle aujourd’hui le paratexte. Titre, épigraphe et frontispice sont autant de seuils de lecture où se manifeste la double appartenance au littéraire et au médical de L’Ami des femmes.

Par la mince frontière sémantique qui sépare l’ami de l’amant, L’Ami des femmes affiche d’entrée de jeu l’ambivalence de la figure du médecin. Cet ouvrage d’hygiène féminine sur la conservation de la beauté et de la santé s’inscrit en cela dans la continuité des textes médico-littéraires, en particulier du roman médical d’Antoine Le Camus (1722-1772) Abdecker, ou l’art de conserver la beauté (1754) – à consulter gratuitement dans notre bibliothèque numérique Medic@.

L’Ami des femmes comprend un frontispice allégorique réalisé sous la direction du célèbre graveur et dessinateur Nicolas Ponce (1746-1831). Le bain et l’habillement y sont respectivement suggérés par la nudité de la figure de la Beauté et par les petits génies tenant des plumes de paon symboles des modes changeantes. Les éléments de végétation et d’architecture antique ne permettent pas de déterminer précisément le lieu de cette scène mythologique. Cette dernière se déroule-t-elle dans le temple de la déesse Hygie entourée de rayons célestes ? Sommes-nous plutôt dans le sanctuaire de la Beauté, qui ne se distingue de Vénus que par la guirlande fleurie qui lui sert d’attribut[3] ? Les deux figures féminines font ici l’objet d’un culte commun, se faisant les incarnations d’un discours qui entremêle l’art de préserver ses charmes à celui d’entretenir sa santé.

On peut s’étonner de l’absence de toute figuration picturale du médecin à l’orée d’un texte qui, par son titre, lui accorde une place prépondérante. La légende de la gravure, l’imposant livre posé sur les genoux de la Beauté ainsi que la théâtralité qui préside à cette scène – voyez le rideau au bord supérieur du cadre – indiquent que le sujet de l’image est avant tout la mise en scène de l’écriture. C’est à travers cette représentation de l’acte d’écrire que la figure du médecin apparaît, et plus spécialement celle du médecin-écrivain mettant sa plume et les beautés du langage au service du discours hygiéniste.

S’éloignant du ton prescriptif du traité, le docteur et auteur cherche tout autant à séduire qu’à instruire les dames. Son style est parfois salué et souvent critiqué. La mise en place d’un contexte sans doute fictif destine les lettres qui composent L’Ami des femmes à une mère de famille en vue de l’éducation de ses filles. Le choix de la lettre n’est pas sans rappeler les correspondances entretenues entre patients et médecins (comme par exemple Samuel-Auguste Tissot). Il s’agit également de cibler le lectorat en se basant sur l’idée selon laquelle l’épistolaire serait un genre littéraire féminin. Les lettres sont en outre agrémentées de vignettes et de reproductions de médailles représentant différentes figures de Vénus. Tirées pour la plupart de la Dissertation sur les attributs de Vénus (1776) de l’abbé de La Chau, ces illustrations font de la déesse un modèle pour les lectrices et contribuent à faire de L’Ami des femmes un livre dont la matérialité tout autant que le propos doit demeurer plaisant.

Portons enfin notre attention sur l’épigraphe située en bas du frontispice et qui place d’emblée le texte sous le patronage de Jean-François Guichard (1731-1811), dramaturge et auteur de contes et de fables légères. Par son rythme et sa construction, l’alexandrin «La pudeur le demande et la santé l’exige» rapproche sur un même plan les deux notions. Le sens de ce vers à valeur de maxime joue de la quasi-synonymie et des nuances entre les verbes demander et exiger, la pudeur étant du côté du côté du souhait et la santé relevant d’un impératif. Le vers de Guichard fait référence aux critiques que suscitent les tenues vestimentaires féminines du début du XIXe siècle, jugées trop découvertes et trop légères par bien des médecins. Saint-Ursin est de ceux qui y voient un péril pour la santé et pour les mœurs, au point de considérer l’habillement des femmes à la mode comme un «appareil plus séduisant que la nudité[4]».

Les seuils de lecture en disent long sur la nature de cet ouvrage entre médecine et littérature galante. L’auteur se verra satisfait s’il «rencontre quelque fois [L’Ami des femmes] sur leur toilette, se glissant entre Gentil Bernard, Dumoustier, Bertin et Legouvé[5]». Ce souhait convie non seulement à de bien réjouissantes lectures mais témoigne encore de manière concrète de l’ambivalence d’un livre médical qui circule aisément de la bibliothèque à la toilette des dames.

Bénédicte PROT, Université de Fribourg

[1] Jean-François Sacombe, « L’ami des femmes », Lucine française, ou Recueil d’Observations médicales, chirurgicales, pharmaceutiques, historiques, critiques et littéraires, relatives à la Science des Accouchements, t. II, à Paris, Au bureau de la Lucine française, Chez Lefebvre, imprimeur, Ier. Vendémiaire An XII [1804], p. 438.

[2] Ibid.

[3] « Beauté », Iconologie par Figures, ou Traité complet des Allégories, Emblèmes, etc. Ouvrage utile aux Artistes, aux Amateurs, et pouvant servir à l’éducation des jeunes personnes, par MM. Gravelot et Cochin, Chez Le Pan, s.d., t. II, pp. 81-82.

[4] P. J. Marie de Saint-Ursin, L’Ami des femmes, ou lettres d’un médecin concernant l’influence de l’habillement des femmes sur leurs mœurs et leur santé, et la nécessité de l’usage habituel des bains en conservant leur costume actuel, avec un Appendix contenant des recettes cosmétiques et curatives, à Paris, chez Barba, 1804, p. 62.

[5] Ibid., p. xii.

Deschiens et de l’hémoglobine pour les Dievx de janvier

Les DIEVX de la BIV se joignent à Victor Pierre Edmond dit Edmond Deschiens pour vous présenter leurs bons vœux pour 2018.

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Tout au long de l’année à venir, nous vous ferons encore découvrir quelques pépites de la Banque d’Images de la BIU Santé (200.000 illustrations gratuites et libres de droits) et nous vous préparons un programme aux petits oignons. Mais pour l’heure c’est plutôt une pinte de bon sang qui nous attend.

Edmond Deschiens, pharmacien de son état, est le fondateur de la revue Nos Maîtres.  Celle-ci proposait notamment une galerie de portraits de praticiens célèbres.

Sa thèse, qui portait sur l’acide phosphorique et ses sels a été soutenue en 1906. Préparée dans le laboratoire du Pr Henri Gautier, elle a reçu la médaille d’argent. Il est également l’auteur de quelques autres publications parmi lesquelles un Atlas de parasitologie publié dans Nos Maîtres et disponible sur Medic@.

Mais c’est surtout l’usage de l’hémoglobine qui occupe le pharmacien. À l’heure où on s’intéresse au sang comme thérapeutique, il en fait même la spécialité de son laboratoire.

Source : ptolemaeus.canalblog.com

Et il la décline sous toutes ses formes : en vin, en élixir, en granules, en dragées et surtout en sirop[1], produit à grand succès dont la commercialisation ne prend fin que le 1er janvier 1992. La composition associe de la vitamine B12, de l’extrait de foie et de l’hémoglobine dont la production par l’entreprise se serait élevée à 30000 kg par an[2] !

… Le premier qui chante «Tiens, voilà du boudin» reçoit un gage ! Réclamez-le en commentaires. On aurait aussi pu parler gibolin ou vampires en bibliothèques, mais nous nous sommes refrénés…

Bonne année et surtout bonne santé à tous, avec ou sans sirop d’hémoglobine !

[1] Sur ce sujet voir : http://ptolemaeus.canalblog.com/archives/2009/10/14/15440827.html

[2] http://lamalleapapa.com/marque/deschiens-sirop

 

Chloé Perrot