De la chirurgie de précision pour sauver un monument de l’anatomie

Article de Laura Capogna – Elève en 5e année en spécialité Arts graphiques-Livres au département des restaurateurs de l’Institut national du patrimoine

La Bibliothèque interuniversitaire de santé conserve dans ses réserves plusieurs exemplaires du célèbre ouvrage De Humani corporis fabrica. Il est considéré comme le premier traité d’anatomie moderne et est le fruit de seulement quatre années de travail d’André Vésale, médecin et anatomiste parmi les plus connus de la Renaissance.

Fig. 1 (a) Secunda musculorum tabula, édition de 1543

Cet ouvrage rédigé en latin, langue du savoir, comprend de nombreuses illustrations du corps humain, allant de l’allure générale de corps (fig. 1 a) aux plus petits détails de son anatomie. De la première version publiée en 1543, la BIU Santé conserve un exemplaire. Elle possède également dans ses collections cinq exemplaires de la seconde édition de 1555.

 

 

 

 

L’un d’entre eux a fait l’objet d’un projet de conservation-restauration en partenariat avec l’Institut national du patrimoine (Inp), et c’est à l’occasion de sa restitution au sein des collections, après une longue absence, que nous avons jugé utile d’en relater les principales étapes.

Fig. 1 (b) Plat supérieur

 

Cet exemplaire nous est parvenu dans sa reliure d’origine (fig. 1 b), datée de 1558, à laquelle un soin particulier a été apporté lors de sa réalisation. En effet, les deux plats présentent un décor très riche occupant toute leur surface. Ce décor est composé d’encadrements rectangulaires de filets triples, un gras entouré de deux maigres.

                                                                                                                                 

 

Des figures bibliques s’insèrent en abondance dans la structure formée par cet encadrement. Parmi elles, on compte Saul, Lucrèce ou encore David (fig. 2 a). Cette richesse dans le décor est aussi visible sur les parties métalliques gravées et embouties (fig. 2 b). Le soin apporté à cette reliure est également visible à travers la complexité du façonnage des ais (plats en bois), notamment sur les chants.

Fig. 2 a : Détails du décor
Fig. 2 b : détails des gravures sur les pièces métalliques

 

 

 

 

 

 

 

 

L’arrivée de cet ouvrage au sein de l’atelier d’Arts graphiques-Livres de l’Inp est le fruit d’une longue collaboration entre les deux établissements. C’est au cours du premier chantier-école[1] effectué en 2008 au sein de la BIU Santé (alors nommée BIUM : Bibliothèque interuniversitaire de médecine) que cette pièce importante a été proposée pour restauration à Thierry Aubry, responsable de l’atelier. Compte tenu de l’état de l’ouvrage, il n’était pas envisageable d’en entreprendre le traitement dans les conditions d’un chantier-école, à savoir sur un temps court et en dehors d’un atelier équipé.

C’est pourquoi il a été décidé de faire venir l’ouvrage au sein de l’Inp. En effet, son état de conservation était très préoccupant et il était exclu de le présenter en exposition. Il n’était en aucun cas manipulable en l’état sans risques d’aggravation majeure des altérations présentes.

Les principaux dommages, imputables à un dégât des eaux survenu à la BIU Santé au cours des années 1980, ont touché à la fois le corps de l’ouvrage, la structure et le cuir de recouvrement. L’infestation du papier – par des micro-organismes – qui a suivi le dégât des eaux, a causé une très grande fragilisation ainsi que des taches et auréoles sur chaque feuillet (particulièrement sur les marges de tête) (fig. 3).

Fig. 3 : Dommages sur le corps d’ouvrage

L’eau a eu également un effet dévastateur sur le cuir : rétraction, noircissement, forte réticulation et lacunes importantes sur les plats (fig. 4).        

Fig. 4 : Dommages du dégât des eaux sur le cuir de couvrure (a) sur le plat supérieur, (b) sur le plat inférieur

               

Fig. 5 : Cassure du plat inférieur

D’autres altérations relevées, n’ayant pour autant pas forcément la même origine, menaçaient fortement la conservation de l’ouvrage. Parmi ces dernières, l’on peut citer l’absence totale du dos, une grande fragilisation de la structure du livre, en particulier de la couture, les plats en grande partie détachés et cassés (plat inférieur), ainsi que des fentes du bois des ais (fig. 5).

 

 

 

Il était donc nécessaire d’intervenir sur la structure et le corps d’ouvrage afin qu’ils retrouvent une intégrité structurelle qui permettrait à nouveau sa manipulation et sa consultation sans risques.

A la suite d’un constat d’état, de l’établissement d’un diagnostic et de l’analyse des valeurs historique, d’usage et esthétique dont cet ouvrage est porteur, il a été décidé, en accord avec la BIU Santé, de réaliser un traitement minimaliste, plus particulièrement sur la reliure, visant à le stabiliser en conservant au maximum son aspect actuel. Cette approche permettait d’interagir le moins possible avec l’histoire particulière de l’ouvrage en offrant une certaine visibilité sur les matériaux et techniques de façonnage utilisés au milieu du XVIe siècle. Par ailleurs, un comblement complet des lacunes de la couvrure aurait provoqué une gêne visuelle par une trop grande présence de la restauration. En effet, les parties noircies et déformées du cuir d’œuvre n’auraient pas pu retrouver leur couleur et leur planéité d’origine. De ce fait, leur incrustation dans le nouveau cuir aurait eu un rendu esthétique peu satisfaisant. Ce comblement posait également la question d’une restitution totale ou partielle du décor, difficilement réalisable compte tenu de l’importance des lacunes.

Si une approche minimaliste était également de rigueur pour le traitement du corps d’ouvrage – il n’était par exemple pas envisageable de déposer la couture du XVIe  siècle pour un traitement plus aisé –, 400 feuillets devaient être traités individuellement. Ce travail répétitif, qui n’aurait nécessité que quelques mois d’immobilisation chez un professionnel, ne pouvait pas être réalisé en continu par un ou plusieurs élèves dans le cadre de leur formation pratique à l’Inp[2], au risque pour eux de ne pouvoir compléter leur programme pédagogique. Il a donc été envisagé en deux étapes. La partie systématique du traitement du corps d’ouvrage, à savoir le comblement de lacunes et la consolidation du papier, a été envisagée comme un exercice pédagogique ponctuel sur près de 10 années, pour plusieurs promotions d’élèves restaurateurs. Le traitement structurel a, lui, été réalisé en deux temps. Les ais ont été traités dès leur arrivée à l’Inp en 2008. Leur remontage et le travail post-consolidation du bloc texte ont été réalisés par mes soins entre 2018 et 2019, au gré du calendrier scolaire.

La première promotion en charge de cet ouvrage s’est donc occupée, en 2008, de dépoussiérer soigneusement l’ouvrage dans sa totalité et de restaurer les deux ais en insérant des languettes d’un bois plus tendre que le bois d’œuvre et en les collant à l’aide de colle animale (fig. 6). L’ais inférieur, encore solidaire du corps d’ouvrage, a été déposé au préalable.

Fig. 6 : Consolidation de l’ais inférieur

Les élèves ont ensuite consolidé la couture en posant une apprêture temporaire (collage de couches de papiers sur le dos) pour pouvoir traiter l’intérieur du livre sans trop solliciter la couture d’œuvre. Elles ont ainsi pu commencer le long travail sur le corps d’ouvrage en consolidant les déchirures et les parties fragilisées systématiquement par doublage à l’aide d’un papier japonais très fin (3,5 g/m2) et d’un adhésif dilué en phase alcoolique. Les lacunes, présentes sur pratiquement chaque feuillet, ont quant à elles été comblées à l’aide de papiers japonais pré-teintés et d’épaisseurs équivalentes au papier d’œuvre. A cette fin et en se basant sur les différentes nuances de couleur du papier d’œuvre, les élèves ont préparé des papiers de comblement en sélectionnant des teintes moyennes pour ne pas rendre le traitement trop chronophage.

En 2018, j’ai fini le comblement et la consolidation du papier et donc pu entamer la dernière phase de la restauration en posant une nouvelle apprêture sur le dos, définitive cette fois. Elle permet de ne pas trop solliciter les supports de couture lors de l’ouverture du livre. J’ai refixé les restes de l’ancienne apprêture en parchemin par-dessus (fig. 7 b), non pas tant pour leur fonctionnalité que pour les laisser sur l’ouvrage, à la manière d’un ré-enfouissement préventif pratiqué en archéologie : il est toujours préférable de laisser ou de remettre en place tous les éléments constitutifs d’un objet, plutôt que de les restituer de façon séparée.

Après une mise au ton des parties consolidées à l’aide d’aquarelles et de peintures acryliques, j’ai remonté les ais sur l’ouvrage comme à l’origine, et j’ai confectionné une coque rigide en papier japonais que j’ai fixée sur quelques millimètres aux ais (fig. 7 c). Elle permet de contrôler l’angle d’ouverture de l’ouvrage et protège ainsi la couture. Afin de ne pas rendre la restauration trop visible, j’ai collé plusieurs couches de papiers japonais fins de différentes teintes permettant ainsi d’imiter l’aspect et le relief du cuir.

Fig. 7 (a)  : dos avant restauration
Fig. 7 (c) :  dos après pose de la coque en papier japonais

 

Fig. 7 (b) : dos après pose d’une nouvelle apprêture et refixage de l’ancienne

 

 

Avant la dernière étape de conditionnement, j’ai mis à plat les parties de la couvrure le nécessitant, avant de les refixer par un collage à l’aide d’un pressage fort mais contrôlé. J’ai posé des bandes de papier japonais sur tout le tour du cuir, à cheval sur le bois, pour éviter toute accroche lors de futures manipulations, limitant ainsi les risques de (re)soulèvement du cuir.

 J’ai finalement réalisé un conditionnement sur mesure permettant un maintien optimal aussi bien pour un rangement à plat que debout avec des matériaux pérennes. Afin de limiter les risques de perte des défaits et ne pas augmenter l’encombrement total de l’ouvrage, j’ai intégré ces éléments dans la mousse de renfort pour qu’ils soient conservés avec l’ouvrage (fig. 8).

Fig. 8 : Boîte de conservation sur mesure avec les défaits intégrés

Cette restauration (fig. 9) conséquente et exceptionnelle dans le cadre de la formation au sein de l’Inp s’est étalée de manière intermittente sur 11 années et a impliqué de nombreuses promotions de 2008 à 2019 (à commencer par la promotion 2005-2010 jusqu’à la promotion 2016-2021[3]). Cet exemplaire du De Humani corporis fabrica a aujourd’hui retrouvé sa place au sein des collections de la BIU Santé et peut à nouveau être présenté aux visiteurs de la bibliothèque.

 

Fig. 9 (a) Plat supérieur avant et après restauration

                                            (b) Dos avant et après restauration

 

(c) Plat inférieur avant et après restauration

(d) Exemple de feuillet après restauration

Crédits photographiques : Fig. 1a – BIU Santé / Fig. 1b à 9  – © Inp

[1] Les chantiers-écoles sont réalisés tous les ans par les élèves sur une période de deux semaines. C’est l’occasion, pendant les trois premières années de la formation, de réaliser un chantier de conservation préventive, curative et de restauration dans les institutions.

[2] Les cours de pratique de la restauration sont dispensés les jeudis et vendredis au sein des ateliers de l’Inp sur les quatre premières années de formations. Le reste de la semaine est dédié aux cours théoriques d’histoire, de sciences ou encore de déontologie.

[3] Les étudiantes qui ont travaillé successivement sur ce projet sous la direction de Thierry Aubry sont Sandra Vez, Aurélie Martin, Marie Messager, Cindy Landry, Marie Poirot, Julie Tyrlik, Morgane Royo, Corinne Cheng, Isabelle Chavanne, Laury Grard, Ludivine Javelaud, Sara Mazet et Laura Capogna.

Traduction de la Préface de Boerhaave et Albinus des Opera omnia de Vésale (1725)

La Fabrique de Vésale et autres textes : la traduction française des pièces liminaires des œuvres de Vésale est désormais complète sur le site de la BIU Santé

En juin 2014, sous la direction de Jacqueline Vons et de Stéphane Velut, les premiers éléments de La Fabrique de Vésale et autres textes ont été mis en ligne sur le site de la BIU Santé. Cet ouvrage de longue haleine aboutira, rappelons-le, à la publication de la première traduction française intégrale de la plus grande œuvre anatomique du XVIe siècle, le De humani corporis fabrica Libri septem (1543), associé à celle des pièces liminaires de toutes les autres œuvres publiées par André Vésale.

À côté des livres I et VII de la Fabrica déjà publiés, avec les importantes introductions qui les accompagnent, et des pièces liminaires de six autres œuvres de Vésale et de leurs propres introductions, la traduction ici annoncée complète la publication des pièces liminaires.

Vésale, André. – Opera omnia anatomica et chirurgica, cura Hermanni Boerhaave,… et Bernhardi Siegfried Albini.. Lugduni Batavorum : apud J. Du Vivie et J. et H. Verbeek, 1725. (En ligne dans Medica)

Vésale, Opera Omnia, H. Boerhaave B. Albinus (éd.), Leiden, 1725
Introduction par Jacqueline Vons et Maurits Biesbrouck

En 1725, paraissait en deux tomes in-folio la première et unique édition des Œuvres complètes de Vésale, due à deux médecins de l’université de Leyde, Herman Boerhaave (1668-1738) et Bernhard Siegfried Albinus (1697-1770), qui ont voulu rendre hommage au père de l’anatomie moderne par un très beau livre. Mais si l’on observe de près cette reprise éditoriale, on constate que les éditeurs ne se sont pas contentés de produire un fac-similé. Les planches et le frontispice ont été recomposés et regravés sur cuivre par Jan Wandelaar (1690-1759), élève de Gérard de Lairesse et artiste renommé. Tous les ouvrages de Vésale n’ont pas été repris, d’autres lui sont attribués à tort. Le texte de la Fabrique est celui de l’édition de 1555, mais ce schéma général connaît des exceptions, sans que les corrections apportées au texte original soient signalées ; c’est cependant ce texte modifié qui a été souvent cité comme étant la version authentique de 1555. La transformation la plus spectaculaire est celle qu’ont subie les illustrations ; regravées, recadrées et agrandies, signées, elles se sont pour ainsi dire libérées du texte descriptif en affirmant leur autonomie.

La préface est constituée d’une longue lettre au lecteur, contenant un éloge de Vésale et une biographie, aujourd’hui remise en question, mais qui a servi de base aux historiens de la médecine pendant près de deux siècles. Pour Boerhaave et Albinus, Vésale est à l’origine d’une nouvelle histoire de l’anatomie, mais cette dernière ne s’est pas figée à ce moment. Contrairement à la médecine de Galien, devenue au fil du temps un dogme indiscutable, les livres de Vésale ont pu être l’objet de discussions, de remises en cause et d’améliorations. Les successeurs de Vésale se sont en quelque sorte approprié ce monument et l’ont fait évoluer. Finalement, le plus bel hommage que Boerhaave et Albinus rendent à Vésale est d’avoir initié le doute dans les sciences comme facteur de progrès :

«Toutes les fois où il doutait ou restait dans l’ignorance de quelque chose, Vésale avouait son ignorance modestement, avec candeur et en toute franchise, et en honnête homme il gardait le silence» (Préface *******).

Avec ce texte s’achève ainsi un des volets du projet Vésale, projet mené en partenariat avec le Service d’histoire de la santé et le Service informatique de la Bibliothèque interuniversitaire de santé (Paris), et avec la participation de chercheurs français et étrangers.

Les textes sont à la disposition des lecteurs, dans le respect de la propriété intellectuelle des auteurs, sur la page La Fabrique de Vésale et autres textes. Éditions, transcriptions et traductions par Jacqueline Vons et Stéphane Velut.

Jacqueline Vons et Stéphane Velut

La Fabrique de Vésale et autres textes – éditions, transcriptions et traductions par Jacqueline Vons et Stéphane Velut. –
Paris, BIU Santé

Contacts :

 jacqueline.vons@univ-tours.fr

info-hist@biusante.parisdescartes.fr

Un projet mené par la BIU Santé dans le cadre de ses missions nationales CollEx.

 

Une des plus anciennes pharmacopées d’Europe à la BIU Santé

Une acquisition exceptionnelle vient enrichir les collections patrimoniales du Pôle pharmacie de la BIU Santé : la Concordi[a]e pharmacopolarum Barcinonensium, ou « Pharmacopée de Barcelone », dans son édition de 1535, est l’une des plus anciennes pharmacopées imprimées d’Europe après celle de Florence publiée en 1499. Cette acquisition a été réalisée avec le soutien de CollEx-Persée, infrastructure de recherche chargée par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche de favoriser l’accès aux chercheurs des gisements documentaires.

Le professeur Olivier Lafont, président de la Société d’histoire de la pharmacie, nous en dit plus sur cet ouvrage qui rejoindra très prochainement la bibliothèque numérique de la BIU Santé Medic@ :

Incipit, fol. 1r

« Seuls deux autres exemplaires de cette seconde édition de la pharmacopée de Barcelone sont répertoriés, encore n’y en avait-il aucun en France (on ne connaît qu’un seul exemplaire de la première édition de 1511). Le mot latin Concordia signifie : concorde, entente, harmonie. Il symbolise ici le fait que les apothicaires de Barcelone étaient tombés d’accord pour publier, en bonne entente avec les médecins de la ville, un formulaire destiné à servir de référence pour leur communauté. L’état matériel du livre est excellent, si ce n’est que la première page est absente et qu’un feuillet a été partiellement arraché. L’ouvrage relié en parchemin, totalement rédigé en latin et imprimé en caractères gothiques, se divise en plusieurs sections.

La première, la plus développée, ne comporte pas de titre, mais débute par un électuaire dont le nom « Electuarium de aromatibus », composé en caractères gras, en tient lieu. Elle traite à la fois des électuaires, des confections, des hières et des antidotes, tout en comportant accessoirement quelques poudres, une série de loochs, des sucres, quelques mellites, ainsi que des décoctions. La seconde partie est titrée : « De Syrupis », mais n’aborde pas exclusivement les sirops, puisqu’elle regroupe des formes apparentées, miels, mellites , oxymels et « oxisacchara » (ou oxycrat). Vient ensuite une très courte rubrique intitulée : « De collyris ». La section suivante, « De Trochiscis » est suivie de la partie intitulée « De pilulis » Cette association ne manque pas de logique, puisque trochisques et pilules sont des formes galéniques apparentées. Les médicaments externes ne se trouvent pas négligés, puisqu’une rubrique intitulée : « De Unguentis et Cerotis » regroupe onguents et cérats, et se trouve suivie d’une autre, « De Emplastris », qui aborde les emplâtres. La dernière thématique envisagée est celle des huiles médicinales, « De Oleis ». Le dernier feuillet se termine, en outre, par le colophon qui précise la date d’impression : 22 septembre MDXXXV. La table alphabétique des matières n’occupe pas moins de treize pages.

Colophon, fol. 90v

Les formules regroupées dans cette pharmacopée comportent généralement une mention du nom de leur auteur, avec parfois la précision de l’ouvrage dont elles sont tirées. L’auteur le plus souvent cité est incontestablement Mesue – ou plus exactement Pseudo Mesue. Le nom de Nicolas (en principe de Salerne) se trouve également très souvent cité, Platearius, l’auteur du Liber Iste et du Circa Instans, est peu mentionné, alors que Rhazès, comme Avicenne, font l’objet de plusieurs citations. Parmi les auteurs plus récents, se distinguent « Gilabertus Anglicus », Gilbert l’Anglais, auteur au XIIIe siècle d’un Compendium Medicinae, ou le célèbre Arnauld de Villeneuve désigné par son seul prénom « secundum Arnaldum », ou encore Guy de Chauliac qu’évoque la mention « secundum Guidonem ». Petrus Hispanus plus connu sous son nom de Pape Jean XXI est également cité.

Pierre de Argileta, Barthélémy de Montagnana, auteur d’un ouvrage intitulé : « Concilia Medica » en 1475, Pierre d’Abano, auteur du Conciliator en 1310 et quelques médecins locaux font l’objet de rares, voire uniques, citations.

On rencontre également des mentions faisant allusion non à un auteur particulier, mais à un usage répandu, comme : « secundum usum » ou à une pratique nouvellement apparue : « secundum usum modernorum », ou encore la formule plus personnelle : « ex inventione nostra ».

Lettrine historiée représentant la Résurrection, fol. 1r

L’ouvrage ne comporte pas d’illustration mais la page qui ouvre le texte présente un encadrement de bordures constituées d’une succession d’anges sur trois côtés et d’un décor Renaissance avec des sphinges sur l’autre. Une lettrine de grande taille mêle plusieurs étapes de la Résurrection. Cette scène évangélique s’avère bien adaptée à un électuaire d’aromates, en raison de la présence de Marie-Madeleine portant son pot. Dans la suite du texte, des lettrines plus petites et plus modestement ornées viennent égayer l’impression.

L’ensemble de cette pharmacopée n’est pas sans évoquer, par le fond comme par la forme, le Nuovo Receptario publié en 1498, lui-aussi imprimé en caractères gothiques, à Florence. »

Actes du colloque Santé et médecine à la cour de France (2017)

Les actes du colloque international Santé et médecine à la cour de France viennent d’être mis en ligne sur le site de la BIU Santé.

Ces textes, réunis par Stanis Perez et  Jacqueline Vons, sont disponibles gratuitement, sous la forme d’un fichier PDF (184 pages, 5 Mo). Chaque intervention est également téléchargeable de manière indépendante à partir de cette page.

«Issu d’un colloque organisé en 2017, Santé et médecine à la Cour de France rassemble des matériaux et des réflexions utiles à une meilleure compréhension des aspects sanitaires et scientifiques propres à la France moderne. Si la santé des souverains était souvent traitée comme une affaire d’État, celle des grands, des courtisans et des commensaux ne souffrait pas de négligence pour autant. Observatoire des pratiques médicales et d’une profession tantôt jalousée, tantôt décriée, la cour offre effectivement un point de vue privilégié sur les corps souffrants et sur les moyens mis en œuvre pour les protéger, les soulager et les guérir peut-être.
À partir des recherches les plus récentes et d’approches savantes mais résolument plurielles, ce volume entend contribuer à l’historiographie curiale et médicale du XVIe au XVIIIe siècle.»

Ont contribué à ce volume : Évelyne Berriot-Salvadore, Loïc Capron, Isabelle Coquillard, Joël Coste, Magdalena Koźluk, Bénédicte Lecarpentier-Bertrand, Xavier Le Person, Stanis Perez, Jacques Rouëssé, Jacqueline Vons, Geneviève Xhayet.

Editeur: Bibliothèque interuniversitaire de Santé, Paris
Date de publication: 10/04/2018
ISBN: 978-2-915634-21-1
Disponible en: Ebook

Les thèses d’Ancien Régime sortent des combles

Héritière de la bibliothèque de l’ancienne Faculté de médecine de Paris, la BIU Santé conserve en ses murs certains documents et archives produits par cette institution, témoins précieux de la vie et du fonctionnement d’une faculté depuis la fin du Moyen Âge jusqu’à sa suppression à la Révolution française.

Parmi eux, la collection des thèses d’Ancien Régime est longtemps restée un trésor peu mis en valeur. Sa récente numérisation et sa mise en ligne dans la bibliothèque numérique Medic@ entendent remédier à cette anomalie.

Exceptionnelle, cette collection l’est entre autres par sa complétude. En effet, si on trouve des thèses d’Ancien Régime dans de nombreuses bibliothèques françaises[1], c’est, à notre connaissance, la seule collection qui comprend la suite ininterrompue de la production d’une seule et même faculté pendant près de trois siècles (début XVIsiècle – fin XVIIIe siècle). Les Commentaires de la Faculté de médecine[2] nous permettent de savoir qu’il se soutenait déjà des thèses en 1395. Sans doute cette pratique est-elle encore plus ancienne, la collection de la BIU Santé commence, elle, à la date (déjà très reculée) de 1539.

La plus ancienne thèse de médecine conservée à la BIU Santé, présidée par Jacques de Forment en 1539.

En fait de thèses, les documents parvenus jusqu’à nous peuvent paraître bien légers pour un œil contemporain : cinq paragraphes écrits en latins sur le recto d’une grande feuille ou plus tard sous la forme d’un livret de quatre ou huit pages (les thèses faisant plus d’une vingtaine de pages se comptent sur les doigts d’une main[3]). D’autres types de thèses ne faisaient pas du tout l’objet d’un texte imprimé et nous avons uniquement connaissance du sujet traité par l’intermédiaire de billets d’invitation conservés pour la période allant de 1730 à 1754, et par les mentions régulières faites de ces thèses dans les Commentaires à partir de 1576.

Il faut dire que l’exercice auquel les bacheliers étaient soumis – ou plutôt les exercices puisque un étudiant soutenait six ou sept thèses durant ces trois années en tant que bachelier à la Faculté – n’a rien à voir avec celui des thésards actuels. Pas de défense d’un travail personnel (les textes étaient souvent écrits par les présidents, parfois repris plus tard par d’autres bacheliers sous une autre présidence…), mais plutôt un exercice de rhétorique où durant plusieurs heures l’impétrant était soumis aux questions et contradictions des autres bacheliers et docteurs-régents de la Faculté. Dans de très rares cas, ces textes ont été traduits : on peut ainsi savoir, si «la situation de la colline de Meudon est aussi salutaire qu’elle est agréable» ou si «la méthode d’Hippocrate est le plus certaine, la plus seure & la plus excellente de toutes à guarir les maladies» sans nécessairement entendre le latin.

Portrait de Hyacinthe-Théodore Baron (1707-1787) ouvrant le premier volume de la collection des thèses

Aucun règlement n’imposait aux facultés de conserver ces documents, ce qui explique que bon nombre d’entre eux ait disparu. Si la BIU Santé conserve une collection aussi importante, c’est grâce à l’intérêt personnel de deux doyens de la Faculté de médecine, Hyacinthe Théodore Baron père (1686-1758) et fils (1707-1787) pour ces travaux[4]. Ils ont réuni les thèses qu’ils ont trouvées, ont fait recopier celles qui manquaient et ont organisé la collecte systématique des thèses sous leurs décanats. Un catalogue imprimé a été rédigé à la suite de cette collation. Leurs successeurs ont poursuivi cette collecte jusqu’en 1778. Les thèses les plus tardives ont été rassemblées par Noé Legrand, bibliothécaire de la faculté de médecine au début du XXe siècle, en un volume dans lequel ont été insérées des pages blanches pour représenter les thèses qu’il savait avoir été soutenues mais dont nous n’avions pas d’exemplaire. En 2015, un don de la bibliothèque de médecine et de pharmacie de Bordeaux nous a permis de compléter en partie ces lacunes[5].

Ce sont ainsi près de 4 000 thèses et billets d’invitation, de 1539 jusqu’en 1793, qui ont été regroupés, reliés en 26 volumes (9 volumes in-folio, 17 in-quarto). On trouve aussi dans la collection quelques thèses soutenues dans des facultés de province (Montpellier, Reims…), ainsi que des pièces relatives à la vie de la Faculté (des listes de docteurs-régents, statuts et décrets de la Faculté, arrêts de la cour du Parlement…).

4 000, le chiffre paraît imposant mais rapportée à la période couverte, la production est finalement assez modeste, une dizaine de thèses seulement étaient imprimées chaque année. Si l’on rajoute à cela le fait que les bacheliers soutenaient plusieurs thèses chacun, on se rend assez vite compte que le nombre de personnes réellement concernées par l’exercice et a fortiori membres de la Faculté de médecine (que ce soit en tant que bachelier, puis en tant que docteur-régent) est assez faible : en moyenne, au XVIIe siècle, sept nouveaux bacheliers intégraient la Faculté tous les deux ans…

Les premières thèses étaient donc des grands placards, écrits à la main sur papier ou parchemin. À partir de 1569, on voit apparaître les premières thèses imprimées[6]. En 1662, les thèses prennent systématiquement la forme de livret[7], même si les placards demeurent une pratique courante jusqu’en 1724, ainsi un grand nombre de thèses existent dans la collection Baron dans les deux formats :

Thèse cardinale de Claude Quiqueboeuf, soutenue en 1622, et présidée par Guillaume du Val : An aqua vino salubrior ?
Première page de cette même thèse, au format in-quarto

 

 

 

 

 

 

 

 

Si la plupart des thèses ont un aspect un peu austère, répliquant à l’infini la même présentation, utilisant les mêmes bois gravés pour les en-têtes, on voit apparaître au début du XVIIe siècle, accompagnant les dédicaces, des frontispices gravés qui vont prendre des proportions considérables à partir des années 1625-1630 : peu à peu, on fait appel à des graveurs de talent tels que Mellan, Roussel ou Firens. Les candidats peuvent ainsi dépenser une somme d’argent importante pour faire illustrer leurs thèses avec magnificence. Dans le courant du XVIIIe siècle, des critiques sur les dépenses somptuaires liées aux thèses et à la cérémonie de soutenance ont peu à peu fait décliner cette pratique.

Dédicace de la thèse de Claude Séguyn soutenue le 8 janvier 1643 à Claude Gallard, conseiller au parlement dessiné et gravé par Mellan. La Paix, Mars et la Justice entourent son écusson armorié.

Nous espérons que cette numérisation permettra de mieux faire connaître cet ensemble. En effet, les derniers travaux connus (de nous en tout cas) sur cette collection datent du début du XXe siècle lorsque Noé Legrand, bibliothécaire à la Faculté de médecine et Anna Delage, docteure en médecine, les ont étudiées pour rédiger l’un un catalogue, l’autre sa thèse de médecine. Or de nombreuses questions restent en suspens ou méritent d’être réétudiées : d’où venaient les bacheliers de la Faculté ? Quels ont été ou comment ont évolué les sujets des thèses au fil du temps ? Jusqu’à quel point des docteurs-régents prenaient-ils les thèses au sérieux ? Quel savoir se fabriquait-il à l’occasion de ces exercices et de ces publications ? Dans quelle mesure la thèse a-t-elle été un moyen de diffusion du savoir médical ? Ces questions ne sont bien sûr que des pistes de réflexion qui font écho aux questions que se sont posées les bibliothécaires lors du traitement de cette collection.

En croisant l’étude de cette collection avec celle des Commentaires de la Faculté de médecineautre collection exceptionnelle de la bibliothèque, un grand pan de l’histoire de la faculté reste à (ré)écrire…

Solenne Coutagne

Bibliographie partielle

Voir aussi, dans la même édition, les reproductions, textes intégraux et traductions commentées de deux thèses quodlibétaires écrites et présidées par Guy Patin : «Annexe. Une thèse de Guy Patin. ″L’homme n’est que maladie″ (1643)» () et «Annexe. Thomas Diafoirus et sa thèse».

  • Delage, Anna. Histoire de la thèse de doctorat en médecine d’après les thèses soutenues devant la Faculté de médecine de Paris. Thèse d’exercice de Médecine. Paris : Librairie de la Faculté de médecine Ollier-Henry, 1913
  • Legrand, Noé. La collection des Thèses de l’Ancienne Faculté de Médecine de Paris depuis 1539 et son Catalogue inédit jusqu’en 1793. Paris : Honoré Champion, 1913 (en ligne sur Medic@)
  • Meyer, Véronique. L’illustration des thèses à Paris dans la seconde moitié du XVIIe siècle : peintres, graveurs, éditeurs. préface de Bruno Neveu ; [sous la responsabilité de la] Commission des travaux historiques de la Ville de Paris. Paris : Paris Musées, 2002

 

[1] Pour n’en citer que quelques-unes, on en trouve à la Bibliothèque nationale de France, à la bibliothèque Sainte-Geneviève, à la bibliothèque Mazarine, à la BIU Cujas, à la bibliothèque de la Sorbonne. Plus spécifiquement, on trouve des thèses en médecine à la bibliothèque de la faculté de médecine de Montpellier, ou à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg par exemple.

[2] Histoire de la Faculté de 1395 jusqu’à 1786 écrite par 194 doyens contenus dans 25 volumes manuscrits : ils comprennent la liste des docteurs régents, les comptes rendus des assemblées et délibérations, les relations des cérémonies, l’énumération des examens subis, les thèses soutenues, l’indication des procès, les inventaires des biens… Ils n’ont été édités que pour les années 1395 à 1560 et 1777 à 1786.

[3] Nous citerons ici l’exemple exceptionnel de la thèse soutenue par Théophile de Bordeu le 25 février 1754, portant sur les eaux minérales d’Aquitaine, qui fait 74 pages !

[4] Une autre collection faite par un autre doyen, Thomas-Bernard Bertrand, est conservée à la bibliothèque (ms 2308-ms 2320). Moins complète que celle de H.-T. Baron, elle est réputée ne contenir aucune thèse qui ne se trouverait pas dans la collection Baron. Mais, en réalité, l’étude et le dépouillement de cette collection reste à faire.

[5]  Il ne nous manque plus que 39 thèses soutenues entre 1778 et 1793. A bon entendeur !

[6] La première thèse imprimée est celle soutenue par Claude Bazin en 1563, présidée par Claude Bailly et dont le titre est : « An mas celerius foemina tardius conformatur ? »

[7] La collection des thèses in-quarto commence en 1597 mais la suite ininterrompue ne commence qu’à partir de 1662. Les thèses précédentes ne sont qu’une petite fraction de celles soutenues précédemment qui se trouvent toutes dans la collection in-folio. Ce sont d’ailleurs souvent des rééditions postérieures : par exemple la thèse de Jérôme Taquet, soutenue en 1597 porte la date de 1649 dans sa mention d’édition.

Actes Journée d’étude « Fecit ex natura »

Le 18 novembre 2016, la BIU Santé organisait une journée d’étude sous le titre «Fecit ex natura. Le métier d’illustrateur des sciences médicales du XVIe au XXe siècle».

Nous avions invité les intervenants à exposer leurs travaux sur les différents aspects de la production d’illustrations dont la bibliothèque possède une vaste collection.

Aujourd’hui, nous avons le plaisir d’annoncer à ceux qui n’ont pas pu être présents ce jour-là ou à ceux qui souhaiteraient retrouver les différentes allocutions, que nous avons réuni et publié en ligne les actes de cette journée.

De nombreuses pistes de recherche ont été évoquées et nous ne pouvons qu’espérer qu’elles ouvrent la voie à de nombreuses et fructueuses recherches.

Chloé Perrot

 

 

Bonne lecture à tous !

Calendrier des Dievx de décembre : La licorne dans tous ses états

Dans la première partie de son « Discours de la licorne »[1] Ambroise Paré réunit les sources historiographiques et les légendes qui entourent l’animal. Il détaille notamment les différentes particularités anatomiques qu’on lui a attribuées. La description ne manquant pas de sel, il nous a semblé amusant, en ce mois de décembre où opère la magie de Noël, de la reprendre et de faire un point sur son actualité.

Télécharger le calendrier de décembre 2017.

Montage à partir d’un dessin d’Albrecht Dürer et d’une gravure du XVIe siècle

Tout d’abord, Paré énumère les animaux dont elle se rapprocherait le plus. Et si aujourd’hui il est bien fixé que son corps est celui d’un cheval, elle a autrefois été décrite comme s’apparentant à un âne ou à un cerf. Elle a aussi été comparée à un rhinocéros, disant du même coup adieu à sa grâce légendaire, voire à un éléphant[2] ou encore à un lévrier.

Montage à partir d’une gravure de Nicolas Marechal et d’une gravure du XVIe siècle.

Du point de vue des couleurs, les témoignages compilés par le médecin divergent également. Les «uns la figurent noire, les autres de bay obscur». Tantôt moitié blanche, moitié noire, elle est aussi décrite comme tirant sur le pourpre en sa partie supérieure, quand elle n’est pas «rayee tout à l’entour comme une coquille de limaçon».

Il est désormais plus courant de la croiser couleur d’arc-en-ciel, éventuellement pourvue d’une corne à paillettes ou d’un doré du plus bel effet.

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Sa taille fait également l’objet de toutes les interprétations. Sa version «large» a peut-être inspiré les créateurs d’emoticons pour messagerie instantanée, qui proposent d’illustrer ses agapes par une licorne énorme en train de s’empiffrer de gâteaux à la crème.

Voilà donc un bien étrange animal, polymorphe, multicolore et à géométrie variable. Mais comme le soulignait fort justement, et non sans humour, Ambroise Paré, toutes ces descriptions fournies par les uns et par les autres «demonstre[nt] assez, que ces gens là n’en sçavent rien au vray».

Estampe extraite de P. Pomet, « De la licorne » dans Histoire générale des drogues…, Jean-Baptiste Loyson & Augustin Pillon, 1694. Cote : pharma_res000061

Pour voir d’autres images de licorne et d’autres animaux fantastiques qui ont eu leur place dans les traités de médecine, rendez-vous sur la banque d’image de la bibliothèque (plus de 200.000 images à télécharger gratuitement).

Et pour tous ceux qui seraient tentés par la création de leur propre ménagerie féérique, Gallica a récemment développé l’application fabricabrac, qui permet aux heureux possesseurs d’une tablette à pomme de générer tout un bestiaire, des lettrines et des pays imaginaires.

[1] A. Paré, Discours d’Ambroise Paré, conseiller premier chirurgien du roy, à scavoir , de la mumie, des venins, de la licorne et de la peste, Paris, Gabriel Buon, 1582. 

Le texte a fait l’objet d’une réplique à laquelle Paré a répondu à son tour.

[2] On peut voir à Singapour, dans le quartier de Marina Bay une sculpture représentant un éléphant-licorne.

Chloé Perrot

En savoir plus

Ambroise Paré et ses ouvrages dans notre bibliothèque numérique Medic@

Ambroise Paré, chirurgien et écrivain français, exposition virtuelle sur notre site (2010) par Evelyne Berriot-Salvadore

Le GIF de licorne utilisé dans le tweet annonçant ce billet est une œuvre de Walter Newton, tous droits réservés

Journées du patrimoine 2017 : les poisons, arme du crime et remède

À l’occasion des Journées européennes du patrimoine, la Faculté de pharmacie de Paris vous ouvre ses portes le samedi 16 septembre prochain. Au programme et au choix : visite de la salle des Actes et de la Galerie des pots, visite du Jardin botanique et visite du Musée François Tillequin, où sont conservées les collections de matière médicale de la Faculté. Au cours de cette visite vous seront présentées les collections patrimoniales du Musée et de la Bibliothèque du Pôle pharmacie de la BIU Santé consacrées au thème des poisons.

 

Toutes les choses sont poison, et rien n’est sans poison ; seule la dose détermine ce qui n’est pas un poison.

Paracelse (1493-1541), médecin et philosophe suisse. Sieben defensiones. Bâle : Samuel Apiarius, 1574.

Si le Dictionnaire usuel des sciences médicales annonce d’emblée en 1885 qu’« une définition précise de ce mot est impossible », c’est bien que l’étymologie même du mot poison renvoie à des notions apparemment antagonistes. En effet, le terme poison a un sens proche de celui de potion. Ils partagent tous deux la même origine latine, à savoir potio, qui signifie breuvage. À l’origine, sa définition est d’ailleurs similaire à celle du médicament : « elle convient à toutes les substances médicamenteuses ; venenum s’est d’ailleurs entendu, chez les Latins, du simple médicament, et, quand il a pris le nom de poison, il s’est presque toujours appliqué aux drogues dangereuses. » Le terme venenum est lui-même un équivalent latin du mot grec pharmakon, qui peut désigner à la fois le poison, drogue malfaisante, et le médicament, drogue bienfaisante. Progressivement, à partir du XIVe siècle, un glissement sémantique s’opère et c’est la première définition qui s’impose.

Charas, Moyse. Nouvelles experiences sur la vipere. Paris, l’Auteur et Olivier de Varennes, 1669

Alors que dans l’imaginaire collectif, le poison rejoint peu à peu le cabinet de l’empoisonneur, du criminel ou de la sorcière, les textes scientifiques peinent à aborder le sujet frontalement. Mettre par écrit les principes actifs et les effets sur le corps humain des substances toxiques, qu’elles soient d’origine végétale, minérale ou animale, n’est-ce pas se risquer sur le territoire de l’empoisonneur ? N’est-ce pas donner des idées aux êtres mal intentionnés ? Au contraire, selon certains scientifiques, dont le médecin et poète français Jacques Grévin, il convient de connaître les effets de ces substances toxiques pour déceler les remèdes et antidotes qui préserveront la santé du patient, « matières autant nécessaires en ce temps que les malices des hommes sont augmentées » (dédicace à la reine Élizabeth Ire d’Angleterre pour son Livre des venins, 1568). Les traités sur les poisons fleurissent dès le XIIIe siècle, tandis que les tentatives d’encadrer et réglementer la distribution des substances toxiques se succèdent au fil des époques. L’officine de l’apothicaire puis du pharmacien est un lieu sous haute surveillance : la délivrance de drogues sans ordonnance est proscrite, les substances dangereuses doivent être mises sous clef et le nom des personnes autorisées à se procurer ces substances doit être consigné dans un registre.

À travers une sélection de livres et objets datant du XVe au XXe siècle issus des collections du Musée et de la Bibliothèque, la visite vous permettra de mieux comprendre l’évolution du discours scientifique sur le poison, ainsi que sa place dans la société et dans le monde médical. En complément, une présentation d’ouvrages récents, empruntables à la bibliothèque de pharmacie, proposera une approche contemporaine du sujet.

Plus d’infos pratiques ici.

Catherine Blum

Debut: 09/16/2017 10:00 am
Fin: 09/16/2017
4 avenue de l'Observatoire
Paris
75006

Le calendrier des Dievx d’août : hipster ou triton ?

Le calendrier d’août met à l’honneur un hispster-sirène triton. À cette occasion, et dans le cadre de notre série de collaborations avec de jeunes chercheurs, nous avons souhaité laisser la tribune à Clarisse Evrard, agrégée de lettres classiques et doctorante en histoire de l’art moderne (université Lille 3 / École du Louvre). Elle travaille sur la représentation de l’univers chevaleresque dans la majolique italienne du Cinquecento et porte également un intérêt particulier aux figures de l’animalité et aux monstres dans les arts décoratifs de la Renaissance.

La rentrée verra aussi la publication de son article «La mise en dialogue de l’image dans la majolique italienne du Cinquecento, de la surface peinte à l’objet signifiant» dans le n° 23 de la revue de l’AHAI.

Monstres et Renaissance

Télécharger le calendrier d’août 2017.

Dans le Prologue de Gargantua (1534), Rabelais évoque la «tératologie ornementale» qui envahit les arts décoratifs de la Renaissance en décrivant les «petites boîtes, comme celles que nous voyons à présent dans les boutiques des apothicaires, sur lesquelles étaient peintes des figures drôles et frivoles : harpies, satyres, oisons bridés, lièvres cornus, canes bâtées, boucs volants, cerfs attelés, et autres figures contrefaites à plaisir», posant d’emblée la relation complexe entre imaginaire littéraire et source scientifique dans la création artistique du monstrueux. Et, en effet, quand on imagine les arts décoratifs du début du XVIe siècle1, l’on pense aux grotesques2, mascarons, termes et caryatides, autant de figures hybrides omniprésentes dans les réalisations du Pinturicchio, de Giovanni da Udine et de Raphaël pour l’Italie et dans les décors bellifontains ou les gravures de Jacques Ier Androuet du Cerceau pour la France.

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Les Dievx de la BIV, saison 2 : 1er coup d’œil

Voilà un an, la BIU Santé se lançait dans l’aventure du calendrier des Dievx de la BIV dans l’optique de vous faire porter un regard nouveau sur les représentations scientifiques du corps humain. Comme toutes les aventures, celle-ci a connu quelques vicissitudes. Quelques mois ont été perdus de vue, faute de combattants.

ababaAvec le retour du printemps, les bibliothécaires du service Histoire ont décidé de jeter un œil neuf sur ce dossier. Pour satisfaire les voyeurs délaissés qui se languissaient de ne plus rien avoir à voir, ni à afficher sur les murs de leur bureau pour connaître le jour du mois.

À la manière d’une vision périphérique, ce n’est pas un corps en son entier qui sera exposé à votre regard pour ce premier épisode (car en avril…). Visons plutôt un organe, et pas des moindres. C’est donc un œil, ou plutôt des yeux, qui vous seront donnés à voir. L’œil de Bartisch, affectueusement surnommé Ababa, et ses petits frères.

03766Ils sont issus du Ophthalmodouleia Das ist Augendienst de Georg Bartisch. Ce médecin allemand, féru de chirurgie oculaire, publia son ouvrage en 1583, manuel de référence sur les troubles ophtalmiques. Ces illustrations sont à retrouver dans notre banque d’images gratuites, plus de 200.000 documents librement téléchargeables sur notre site.

Les plus perspicaces d’entre vous auront vu que c’est également de cet ouvrage qu’était issue notre très cérébrale carte de vœux 2017.

Télécharger le calendrier d’avril 2017.

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