Un inventaire de nos catalogues (et réciproquement)

twitterL’année dernière s’est tenue l’exposition «De l’argile au nuage : une archéologie des catalogues», à la bibliothèque Mazarine puis à la bibliothèque de Genève. Il y a été question, entre autres, du fichier rotatif Columbia de la BIU Santé – qui attise toujours la curiosité de nos visiteurs, mais qui est loin d’être notre premier catalogue.

Le plus ancien inventaire des collections de ce qui deviendra le pôle Médecine remonte à 1395. Les quelques livres qui la constituent appartiennent à la faculté de médecine, située rue de la Bûcherie. C’est dans le plus ancien des volumes conservés des Commentaires de la faculté (en cours de numérisation dans Medic@), qu’il est fait mention de treize ouvrages, dont plus un seul ne subsiste aujourd’hui.

Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que la faculté de médecine se dote d’une bibliothèque.

Sous l’Ancien Régime, plusieurs inventaires et catalogues sont réalisés et nous sont parvenus, pour deux des bibliothèques qui seront réunies en 1795 pour former la bibliothèque de l’École de santé, l’ancêtre directe de la BIU Santé : celle de la Faculté de médecine, et celle des chirurgiens.

  • l’inventaire de la donation Picoté de Belestre et d’autres donations qui ont constitué le fondement de la bibliothèque de la Faculté de médecine de Paris (cote BIU Santé Ms 2009 ; disponible en ligne sur Medic@) ;
  • le catalogue de la bibliothèque de la Faculté de médecine de Paris de J.-L. Livin Baude de la Cloye, Catalogus librorum omnium… qui pertinent ad bibliothecam facultatis medicinae Parisiensis (1745), conservé aujourd’hui à la Bibliothèque Mazarine ;
  • le catalogue de la bibliothèque de la Faculté de médecine de Paris de Edme-Claude Bourru, Catalogus librorum qui in bibliothecam Facultatis saluberrimae Parisiensis asservantur (1771 ; cote BIU Santé Ms 35 et 36) ;
  • Le catalogue de la bibliothèque des chirurgiens jurés de Paris proprement dite (1739 ; cote Ms 2094) ; et l’inventaire des livres de François de la Peyronie, légués à la bibliothèque des chirurgiens jurés de Paris en 1747 (Ms 2010) ;

Ces deux bibliothèques importantes furent attribuées à l’École de santé, parmi plusieurs autres ensembles. Elles comptaient à elles deux environ 10 000 volumes à la veille de la Révolution.

La bibliothèque de l’École de santé ouvrit ses portes en octobre 1795, et changea deux fois de nom en ce début du XIXe siècle : bibliothèque de l’École de médecine dès 1796, puis – comme avant la Révolution – bibliothèque de la Faculté de médecine de Paris en 1808. Sa production d’inventaires et catalogues partiels est importante en nombre. Faire la liste de ces dizaines d’outils de travail serait très fastidieux : nous en avons recensé environ 80 !

Le grand catalogue du début du XIXe siècle est celui qui a été commencé sous la direction de Moreau de la Sarthe (bibliothécaire de 1808 à 1823), et qui continua de servir jusqu’aux années 1880 (cote BIU Santé  Ms 31 à 34). On ne peut omettre de mentionner à ses côtés les Tables annuelles des thèses soutenues à l’École de médecine, puis à la Faculté de médecine de Paris, qui, de 1798 à 1975, outil d’accès indispensable aujourd’hui encore si l’on veut exploiter à fond les dizaines de milliers de thèses parisiennes qui sont conservées à la BIU Santé (accessibles en ligne dans Medic@). Ni le catalogue imprimé des manuscrits, qui parut en 1908 dans un des volumes de l’immense Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Mais bien d’autres inventaires et catalogues partiels ont été réalisés, ou parfois seulement entrepris avant d’échouer sous le poids de la quantité toujours croissante. Parmi les succès relativement récents, on doit mentionner deux catalogues imprimés très importants : le Catalogue des congrès, colloques et symposia (1963-1969) et le Catalogue des périodiques français et étrangers depuis le XVIIe siècle (1976).

Car la croissance de la bibliothèque fut rapide. De 20 ou 30 000 volumes en 1800, elle passa à 120 000 vers 1895 et 200 000 en 1908, 400 000 environ en 1945, selon des statistiques du temps. Énorme effort de rangement, et énorme effort catalographique, réalisés avec un personnel fort limité en nombre.

La bibliothèque dut appliquer la circulaire du 4 mai 1878 sur les bibliothèques universitaires. Ce texte très important conduisit à réorganiser entièrement la cotation des ouvrages : les cotes que nous connaissons encore datent de cette période, et correspondent à une organisation purement numérique, avec des tranches par types et formats : de 1 à 4999 pour monographies de très grands formats, de 5000 à 10 000 pour les grands formats (petits in-folio et in-quarto), de 20 000 à 30 000 pour la taille inférieure (in-octavo), 90000 pour les périodiques in-octavo, etc.

À cette réorganisation physique devait se joindre la réalisation de registres d’entrée-inventaire (qui sont toujours en usage aujourd’hui pour la gestion quotidienne de la collection), et de deux catalogues : celui par nom d’auteur et titres des périodiques, que l’on voit toujours en partie derrière le «bureau central» ; et celui par matière, qu’il fut impossible de réaliser avant la fin du XIXe siècle, et qui ne concerna jamais que la partie postérieure de la collection, et pas son fonds plus ancien.

Le catalogue par nom d’auteur et titres des périodiques sur fiches fut entretenu à l’usage des seuls bibliothécaires jusqu’en 1952. Signalons qu’on peut le consulter aujourd’hui tout entier (à des fins de vérifications ou pour des recherches très spécifiques) sous le nom de «Catalogue ancien» sur notre site www.biusante.parisdescartes.fr/histoire/ancien-catalogue/. Les amateurs de nostalgie catalographique en goûteront les vieilles écritures… Les plus aventureux sauront même trouver des astuces qui leur permettront de faire, dans cette version numérisée qui a rendu de grands services, certaines recherches difficiles à réussir dans le catalogue général actuel.

Ce fichier du «bureau central» donna lieu à des publications reprographiées, comme on en a fait assez souvent dans la deuxième moitié du XXe siècle : on fit ainsi une extraction des fiches des ouvrages antérieurs à 1501 pour obtenir par photocopie de ces fiches placées côte à côte un Catalogue des incunables, puis un Catalogue des livres du XVIe siècle. Et on avait entrepris une photocopie complète du fichier, qui aurait permis de le consulter sans avoir à être présent dans la grande salle de lecture : elle ne fut pas achevée.

À la toute fin du XIXe siècle, on entreprit de fournir aux lecteurs un catalogue qu’ils puissent manipuler eux-mêmes. Dans des tiroirs d’abord, puis dans le spectaculaire catalogue à roues (le fameux Columbia), il fut doublé d’un catalogue par matière. Pour les ouvrages entrés avant cette date, il fallait s’adresser au «bureau des bibliothécaires», et l’accès par matière devait se faire (et doit encore se faire aujourd’hui, d’ailleurs !) à l’aide d’autres outils bibliographiques.

Le grand fichier à roues remplaça un meuble à tiroirs en 1951. La société Columbia était spécialisée, entre autres, dans la fabrication de fichiers rotatifs – dont voici deux exemples, plus récents et plus… modestes ! Voir notre ancien billet de blog pour en savoir davantage…

columbia

1952 est une date importante pour nos catalogues : c’est celle de l’adoption du format de fiches international horizontal 12,5 x 7,5. Considérable changement, bien aussi lourd de conséquences qu’un changement de format informatique majeur aujourd’hui, et qui imposa une rupture de la continuité du catalogue, puisqu’il était réalisé jusqu’alors sur des fiches verticales. Il fallut donc changer de mobilier, comme on le voit encore dans la grande salle de lecture aujourd’hui, et cela compliqua la recherche qui devait se faire dans les deux fichiers successivement – avant et après 1952.

La grande étape suivante est celle de l’informatisation des catalogues. Le catalogage est informatisé dès 1986, mais les fichiers papier continuèrent à être alimentés jusqu’en 1989.

La rétroconversion des fichiers papier, qui a débuté en 1995 par les fichiers les plus récents, n’est à peu près achevée que depuis peu. Désormais, la plupart des recherches peuvent commencer par l’exploitation du Catalogue général.

Il ne s’agit pas toutefois d’une rétroconversion intégrale, puisque certains types de documents (certains mélanges, certains tirés à part) n’ont pas été pris en compte. La rétroconversion des catalogues de thèses progresse rapidement, mais son résultat n’est pas encore intégralement consultable dans le Catalogue général de la bibliothèque. C’est pourquoi les bibliothécaires ne sauraient, aujourd’hui, faire l’économie des catalogues sur fiches, dont l’usage s’avère parfois précieux. Et c’est pourquoi les lecteurs, lorsqu’ils ne trouvent pas une référence, ne doivent pas hésiter à solliciter les bibliothécaires !

catalogueFaut-il rappeler d’ailleurs qu’un catalogue de bibliothèque ne recense pas le détail de tout ce qui s’y trouve ? Bien souvent, nombreux sont les outils bibliographiques qui sont nécessaires pour mener à son terme une recherche.

Quant aux catalogues de la bibliothèque de pharmacie, il s’agit d’une autre histoire, qui commence à peine à être racontée

 

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